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celle-là paroît petite, & comme cachée & abysmée. Il porte trois besans d’or, avec une fleur de lis en abyme. Ainsi ce terme ne signifie pas simplement le milieu de l’écu : car il est relatif, & suppose d’autres pièces, au milieu desquelles une plus petite est abysmée.

☞ ABYSME. s. m. Terme de Chandeliers. C’est le vaisseau de bois dans lequel ils mettent le suif fondu, où ils trempent leur mèche pour fabriquer leur chandelle. Ce vaisseau est de forme triangulaire, & posé sur un des angles ; ensorte qu’il y a une ouverture de près d’un pied par en haut, ce qui fait une espèce de prisme renversé.

ABYSMER. v. act. Jetter dans un abysme, y tomber, se perdre, se noyer, Mergere, demergere. Les ouragans abysment les vaisseaux. Ce terrein s’est abysmé, il y avoit dessous une carrière. Subsidere, sidere. Il est quelquefois neutre. Cette ville abysmera un jour à cause des abominations qui s’y commettent. Alors il signifie, Périr, tomber dans un abysme. Hauriri, absorberi.

Abysmer, se dit figurément en Morale, pour dire, Perdre, ruiner entièrement. Evertere, pessumdare. Les gros intérêts ont abysmé ce marchand. Ce chicaneur a abysmé sa partie, il l’a ruinée de fond en comble. Il a abysmé cet homme-là. Il se dit plus ordinairement avec le pronoim personnel, & plus au figuré qu’au propre. En ce cas il marque un grand excès. C’est un voluptueux qui s’abysme dans les plaisirs. Acad. Fr. c’est-à-dire, qui y est entiérement occupé, & qui s’y abandonne sans aucune réserve. On dit, il est abysmé dans la douleur. Port-R. parce qu’il en est tout rempli & tout pénétré. C’est un contemplatif qui s’abysme, parce qu’il s’applique profondément à la contemplation, soit dans la prière, soit dans l’étude. Il signifie encore se jetter dans quelque embarras fâcheux, s’engager dans une affaire malheureuse. On dit aussi s’abysmer devant Dieu ; pour dire, s’humilier profondément, reconnoître son néant devant lui, Deprimere se, minuere. On dit en matière de dispute & de raisonnement, Ce Docteur a été abysmé par son adversaire, qui l’a réduit à ne rien répondre. On dit encore, C’est un homme abysmé, pour dire, C’est un homme perdu de crédit, de réputation, de biens, &c.

Abysmé, ée, part. Demersus. Il y a eu plusieurs villes abysmées par les tremblements de terre. Un joueur, un marchand, un plaideur ; en général, un homme abysmé, est celui qui a perdu tout son fonds, qui est sans ressource. Bonis eversus.

☞ ABYSO. Rivière de la vallée de Noto, en Sicile. Abysus. Elle a sa source à Cérétano, & se décharge dans la mer d’Ionie, au lieu où étoit autrefois la ville d’Elorus, d’où vient qu’on l’appelle en latin Abysus Elorum. Elle porte aujourd’hui le nom d’Acellaro ou Atellaro.

ABYSSIN, ou ABISSIN. ou plutôt Abassin ou Hhabassin, comme prononcent les Arabes, qui appellent un Abyssin חבש, Hhabasch, ou חבשי, Hhabaschi, & le pays qu’ils habitent חבשת, Hhabaschath. Ainsi ce nom ne vient point de la côte d’Aben, qui est la côte occidentale de la mer Rouge, le long de laquelle ils habitent ; ou si c’est le même nom, ce sont ces peuples qui ont donné ce nom à cette côte, au lieu de l’avoir pris d’elle.

Les principaux auteurs sur les Abyssins sont Jean de Léon & Marmol, Description de l’Afrique. Franc. Alvarez, Balthasar Tellez, d’Alméida Jésuit. Hist. de la haute-Eth. Ludolf. L’Hist. de la Comp. de Jes. T. i. L. 15. T. ii. L. 1. T. iv. L. 5. T. v. L. 22. Louis de Urreta Dominicain, Hist. de l’Ethiopie en Espagnol. Marmol. L. XC. 23. Juan. Nicol. Pechlin a fait un Livre De habitu & colore Æthiopum, imprimé à Francfort en 1684. Le P. Urreta, Dominicain, rapporte d’autres étymologies dans son Histoire d’Ethiopie, p. 3. Strabon dit, L. xvii. qu’Abassie signifie en Egyptien, un pays inhabitable entouré de déserts & de montagnes impraticables, de l’α privatif, & de βάτος, qui vient de βαίνω, je vais, comme qui diroit, un pays où l’on ne peut aller ni pénétrer. D’autres disent qu’Abassie signifie une terre puissante, abondante en hommes, en fruits de la terre, en mines & en richesses. Mais cet auteur rejette avec raison ces opinions, & s’en tient à celle que nous avons rapportée d’abord. Ce sont les peuples de l’Ethiopie, qui est au-


jourd’hui nommée Abassie. Ce sont les Arabes qui leur ont donné ce nom, que les Abyssins ont rejeté long-temps comme injurieux, & qu’ils ne prennent point encore dans leurs Livres, parce qu’en Arabe il signifie un mélange, un assemblage de plusieurs Nations. Ils s’appellent Ethiopiens, Itiopiavian, & leur pays Mangesta-Itiopia, Royaume d’Ethiopie, ou d’un nom plus particulier encore, Geez, ou Beera Agazi, Pays de liberté, oumedera Agazian, la terre des Libres, ou des Francs ; car ils se donnent le nom de Agasi, Libre, Franc, & au pluriel Agasian, Libres, Francs, ou bien Gens qui ont décampé, qui sont venus d’un endroit éloigné, de sorte qu’ils s’appellent ainsi, ou pour se vanter d’être libres, ou pour marquer qu’ils ont passé de l’Arabie heureuse, où est l’ancienne Ethiopie, dans le pays qu’ils occupent, & dans lequel ils passerent pendant la servitude des Israëlites en Egypte, si l’on en croit Eusèbe, ou vers le temps de Josué & des Juges, selon Syncellus, p. 151. Ludolf croit que ce sont des Homérites, ou Sabéens, appelés autrement par les Grecs Axumites, ou pour le moins une colonie de ces peuples qui passa la mer Rouge, & vint s’établir dans l’Afrique. Etienne le Géographe appelle Abesins, Αβήσινος, un peuple de l’Arabie ; & son Commentateur croit que c’est le peuple qui a passé en Afrique. Si cela est, ce nom est très ancien, & ne leur a pas été donné à cause de leur passage. Les Abyssins sont Mores, Olivâtres, ou noirs selon les diverses provinces qu’ils habitent. Maty.

☞ Les Abyssins qui dominent aujourd’hui dans l’Ethiopie, ne s’en emparerent que plusieurs siècles après l’invasion des Ethiopiens. On ignore le temps précis de leur conquête : on sait seulement qu’elle a précédé la fin de l’empire de Constantin. Ils sont originairement de l’Arabie heureuse, du Royaume d’Yémen, c’est-à-dire, du midi, dont Saba étoit la capitale. Le peuple portoit le nom d’Homérites. La Reine qui vint voir Salomon, régnoit sur eux ; & si l’on en croit la tradition ancienne, & constante de ce peuple, elle eut de Salomon un fils nommé Mevilehec. La Reine & le peuple embrasserent la religion Juive. Les Empereurs d’Ethiopie prétendent descendre de ce fils de Salomon.

☞ Une partie des Homérites passa la mer, courut d’abord la province de Tigré sur les Ethiopiens, & fonda le royaume d’Axuma.

☞ Les Abyssins ne sont point Nègres, leur conquit est olivâtre ; ils sont fort différens des Nègres, & ordinairement ils sont bien faits & ont grand air.

☞ La cour Abyssine. Mem. des Miss. du Lev. T. IV.

Les Abyssins, pour le temporel, sont gouvernés par un Prince qu’ils appellent Négus ; titre qui répond à celui de Roi, & qui peut paroître, avec probabilité, très-ancien, puisque nous trouvons dans l’Ecriture un Roi d’Egypte nommé Pharaon Nécao, & dans Hérodote Νεϰός Necus. Linschot dit qu’il se nomme aussi Belgian, que Bel signifie très-haut & très-parfait ; Gian, Prince ou Seigneur ; que le nom de David est un surnom, tel que celui de César, que les Empereurs Romains portent ; & que les Ethiopiens le nomment Talac, ou Avia Négous. Il se dit être de la Tribu de Juda, & s’appelle fils de David & de Salomon, dont ils prétendent que la Reine de Saba eut un fils duquel ils descendent, si l’on veut en croire leurs fables. Ils prétendent encore avoir été convertis à la foi Chrétienne par l’Eunuque de la Reine Candace, baptisé par S. Philippe, Act. VIII, 27. Pour le spirituel ils sont gouvernés par un Evêque, ou Métropolitain, que leur envoie le Patriarche Cophte d’Alexandrie, qui réside au Caire ; desorte qu’ils suivent en toutes choses la Religion des Cophtes, à la réserve de quelques cérémonies qui leur sont particulières. Le Canon 42. du Concile de Nicée, dans la Collection Arabe & Ethiopienne, dit en termes formels, qu’il est défendu aux Abyssins de se faire un Métropolitain de leurs Savans ou Docteurs, à leur façon & selon leur bon plaisir, parce que leur Métropolitain dépend du Patriarche d’Alexandrie, auquel il appartient de leur donner un Catholique, ou Métropolitain. Le P. Vanslèbe qui a rapporté ce Canon dans son Histoire de l’Eglise d’Alexandrie, Chap. 9. a remarqué en même temps qu’en 1670, les Abyssins comptoient cent seize Métropolitains, qu’ils


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