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ner auquel il iroit, faute d’avoir le libre arbitre. Ce qui a fait dire proverbialement à Naudé dans le Mascurat : Cela me fait appréhender qu’il ne t’arrive comme à l’âne de Buridan, qui mourut de faim entre deux picotins d’avoine, faute de se résoudre auquel il devoit plutôt allonger le col, parce qu’ils étoient également distans de lui. Cela se dit à des gens indéterminés, irrésolus. Voyez BURIDAN, où l’on rapporte l’origine de ce proverbe.

On a aussi appellé ânes, les Mathurins, ou les Frères de l’Ordre de la Sainte Trinité, parce que quand ils voyageoient, il ne leur étoit permis que de monter sur des anes, suivant leur Institution, qui fut faite en l’an 1198. sous le Pontificat d’Innocent III. ce qui fut changé par le Pape Honorius III. qui leur accorda dès l’an 1217. l’usage des mules, & leur permit même de se servir de chevaux en cas de nécessité. Hist. de l’Egl. de Meaux. Tom. I. pag. 178. Ils sont encore appellés, les Frères aux ânes de Fontainebleau, dans un Registre de la Chambre des Comptes de l’an 1330. Du Cange.

Âne, se dit proverbialement en ces phrases : L’âne du commun est toujours le plus mal bâté, c’est-à-dire, qu’on a peu de soin de contribuer aux nécessités, ou dépenses publiques. On ne sauroit faire boire un ane s’il n’a foif ; c’est-à-dire, qu’on ne peut pas faire faire une chose à un homme malgré lui. On dit, Boire en âne ; pour dire, Laisser une partie de sa boisson dans son verre. On dit aussi, qu’un homme a un vin d’âne, quand il devient hébété après avoir bû. Il est méchant comme un âne rouge ; pour dire, qu’un homme fait toute sorte de mal. On dit que Midas avoit des oreilles d’âne, pour dire, qu’il entendoit de loin, qu’il savoit tout ce qu’on disoit dans son Royaume. On le dit aussi de ceux qui ont des oreilles trop longues, & qui tiennent de l’ane par leur stupidité. On dit d’un ignorant, que c’est un ane bâté ; d’un homme trop adonné aux femmes, que c’est un âne débâté. On dit aussi, qu’il y a plus d’un âne à la Foire qui s’appelle Martin, quand on répond à ceux qui se trompent sur l’équivoque d’un nom. On dit aussi, Martin l’âne ; & que par tout où il y a Martin, il y a de l’ane. On dit encore, qu’à laver la tête d’un ane, on ne perd que la lescive ; pour marquer qu’un homme stupide ne profite pas des instructions qu’on lui donne. On dit aussi, Le jour du Jugement viendra bientôt, les ânes parlent Latin ; quand quelque ignorant veut parler une langue qu’il n’entend pas. On dit d’une chose qu’on méprise, qu’elle ne vaut pas le pet d’un âne mort. On dit aussi, Chantez à l’âne, il vous fera des pets, en parlant des ignorans, & des ingrats, qui connoissent mal les choses, ou qui reconnoissent mal les graces qu’on leur fait. On dit aussi, qu’il est bien âne de nature, qui ne peut lire son écriture. On dit d’un ignorant qui est assis dans un fauteuil, que ce sont les Armoiries de Bourges, un âne dans une chaise : que les chevaux courent les Bénéfices, & que les ânes les attrapent ; pour dire, qu’on ne donne pas toujours les graces à ceux qui les méritent. On dit aussi, que la patience est la vertu des ânes. On l’a sanglé comme un âne ; pour dire, On lui a fait un rude traitement, il a été sévèrement condamné. On dit à celui qui cherche une chose que sans y prendre garde il porte sur lui, qu’il cherche son âne, & qu’il est dessus. On dit d’un faux brave qui menace, que c’est l’âne couvert de la peau du lion. On dit d’un homme qui n’a point d’équipage, qu’il n’a ni cheval, ni âne, ou, ni âne, ni muler. On dit, Pour un point Martin perdit son âne, à qui il manque fort peu de chose pour gagner une partie à quelque jeu, ou pour réussir en quelque affaire. Voyez l’origine de ce Proverbe au mot Martin. On appelle un homme qui chante mal, un rossignol d’Arcadie ; c’est-à-dire, un ignorant : & un gros ane d’Arcadie, à cause qu’en ce pays-là on fit ouvrir un âne qu’on accusoit d’avoir mangé la lune, parce que son image disparut dans l’eau où il beuvoit au temps d’une éclipse. On dit aussi d’un grand mangeur, qu’il s’es-


crime bien des armes de Cain, ou de Samson, c’est-à-dire, d’une machoire d’âne. On appelle aussi le talk, le miroit des ânes. Voyez ci-dessus l’âne de Buridan. Pour montrer qu’on néglige ordinairement le bien commun pour ne songer qu’à ses intérêts particuliers, On dit,

L’âne de la Communauté
Est toujours le plus mal bâté.

En patois de Bugey on dit âne burdin, pour dire âne. IVe Liv. des Rois v. 17. Burdo signifie un ane. Deroch.

Dans l’Orient on se sert des ânes pour faire voyage, aussi bien que des chevaux & des chameaux, parce que c’est une voiture fort douce & fort commode. Il y a en Perse & ailleurs des ânes sauvages, qu’on apprivoise, & dont on se sert comme des autres. Le Roi de Perse en a dans ses écuries, & un jour un Espagnol les voyant richement enharnachés & rangés dans la Cour du Palais, comme il se pratiquoit dans le pays les jours qu’un Ambassadeur doit avoir audience, il perdit sa gravité & se prit à rire. Un Officier de la Cour lui en demanda la raison : l’Espagnol répondit qu’il rioit de voir traiter avec tant de distinction des animaux qu’on traite avec le dernier mépris en Espagne ; le Persan repliqua, c’est que les ânes sont fort communs en votre pays, & nous les traitons avec distinction, parce qu’ils sont rates dans le nôtre.

ANÉANTIR, v. act. Réduire au néant, ou à peu de chose. Ad nihilum redigere, delere penitùs, funditùs extinguere. Les corps naturels changent de forme ; mais ils ne s’anéantissent pas. De grandes villes ont été anéanties par les guerres, par les embrasemens. Le temps anéantit toutes choses. La grandeur Romaine s’est anéantie, il n’en reste plus que l’ombre. Ce mot vient de son primitif néant.

Anéantir, se dit figurément en choses morales. Ce Prince a anéanti toutes les loix. Il a anéanti plusieurs grandes maisons pour en élever d’autres. Ils anéantissent la Morale Chrétienne. Pasc. L’opinion de la destinée irrévocable va à anéantir tout le culte de la Religion, & à éteindre l’amour des vertus. Port-R. Il y a des gens qui brillent dans l’action & dans le mouvement, & que le repos obscurcit & anéantit. Bouh.

Un torrent de feux l’embrase,
L’horrible poids qui l’écrase
Ne le peut anéantir. Anony. Ode sur l’Enfer.

Anéantir, v. a. Rendre inutile. C’est en vain qu’on s’efforce de prouver que nous anéantissons le sacrifice de la Croix. Bossuet. Anéantissez dans mon cœur tout ce qui me peut porter à me glorifier en moi-même. Mad. de la Valliére.

Anéantir, signifie aussi s’humilier extrêmement. Ex intimo sui contemptu propè ad nibilum descendere, abjicere se, se demittere. Saint Paul dit que le Seigneur s’est anéanti lui-même en se faisant homme, & en prenant la forme d’un esclave. On affecte des distinctions dans les Eglises mêmes où doit s’anéantir toute la gloire humaine. Flech. Les Saints s’anéantissent continuellement en la présence de Dieu. Nicol.

Anéanti, ie, part.

ANÉANTISSEMENT, s. m. Diminution d’une chose, réduction à rien, au néant. Extinctio. Il n’y a point d’entier anéantissement dans la nature : Dieu seul peut faire cette sorte d’anéantissement. Epicure, qui étoit si persuadé de l’anéantissement, ne laisse pas d’être inquiet de ce qui se passera après lui. Bayl.

Il se dit aussi de l’abaissement d’une fortune élevée, du renversement, de la destruction d’un Empire, d’une Monarchie, d’une famille. Cette famille est tombée dans l’anéantissement. La chute & l’anéantissement des trois premières Monarchies.

Anéantissement, se dit figurément en Morale d’une grande humilité. Summus sui contemptus. L’anéantissement de soi-même devant la Majesté Divine est une action fort chrétienne.

ANECDOTE, s. f. Terme dont se servent quelques Historiens pour intituler les Histoires des affaires secrètes des Princes ; c’est-à-dire, des Mémoires qui n’ont point paru


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