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Page:Trevoux - Dictionnaire , 1704, T01, A-Cenobitique.djvu/68

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ADV. ADV. ADV.


dire ma bonne aventure, puisqu’elle me la peut faire. Chev.

Adventure, se dit aussi de ces accidens surprenans & extraordinaires, qui sont souvent de pures imaginations, ou des entreprises hasardeuses, comme sont celles des Romans de Chevalerie. Il y a des gens qui sont sujets à trouver des aventures : & certains esprits Romanesques qui courent après les aventures. Dom Quichote a voulu imiter les anciens Paladins, qui alloient chercher les aventures. L’Amadis est tout plein d’aventures perilleuses, surprenantes, enchantées. On dit aussi, C’est une femme à aventure, lorsqu’elle a fait parler d’elle par ses galanteries.

On sait de cent beautés les tristes aventures ;
Et l’Empire amoureux est tout plein de parjures.
M. de la Suze.

Une aventure galante ne le touche point, à moins qu’elle ne soit assaisonnée de danger, & de crainte. S. Evr. La triste aventure d’un agneau injustement dévoré par un loup est un exemple instructif que la fable propose. Le Bos. Les bilieux, dont l’amitié est ardente & emportée, font bien du bruit dans les fâcheuses aventures de leurs amis. M. Esp. Les aventures naissent sous les pas des Heros. S. Evr. Les aventures de Belfégor sont plaisamment imaginées, & il y a beaucoup d’art. S. Evr. Les Portugais sont si superstitieux, qu’ils couvrent toutes les images de leur chambre avant que d’achever une aventure amoureuse. Inq. de Goa. Il arrive souvent qu’à la lecture d’un Roman, les filles se passionnent pour des intrigues, & des aventures chimériques. Fenel.

Adventure, signifie aussi, Un événement qui est au pouvoir du hasard, & de la fortune. Je suis préparé à toute sorte d’aventure. Cet homme attend pour se marier quelque bonne aventure, c’est-à-dire, qu’il trouve par hasard quelque bon parti. Prendre sur soi l’aventure d’une affaire : c’est se résoudre à tout ce qui en peut arriver.

On dit en ce sens, Mettre de l’argent à la grosse aventure, pour dire, le mettre à profit sur le négoce de mer, & sur la quille du vaisseau, où on risque le naufrage, & la prise des Corsaires. Le bureau des assurances répond de la grosse aventure.

A l’Aventure, D’aventure, & Par aventure, sont des phrases adverbiales ; pour dire, par hasard, Fortè, fortuito. Errer à l’aventure, c’est marcher sans dessein, & sans savoir où l’on veut aller. C’est être imprudent, que de mettre tout à l’aventure, de faire tout à l’aventure ; c’est-à-dire, sans réflexion. Chacun a la liberté de dire à l’aventure tout ce qu’il pense. Pasc. Combien a-t-on vû de Ministres étourdis gouverner les Etats à l’aventure ? Balz. La plupart des gens n’ont point de principes & vivent à l’aventure. La Bruy. Un baiser bien souvent se donne à l’aventure. La Sabl. Si d’aventure, ou par aventure il arrivoit ; c’est-à-dire, si le hasard vouloit que cela arrivât. Ces deux derniers sont du style badin & burlesque. Réfl.

On appelle aussi, Mal d’aventure, une apostume qui vient au bout des doigts, lorsqu’on s’est piqué, & qu’on n’a pas bien fait sortir le sang de la plaie, qui ensuite s’y est corrompu. Paronychia. Il est fort différent du panaris, quoiqu’il vienne au même endroit. Voyez Panaris.

AdVENTURER. v. a. Risquer, mettre au hasard, à l’aventure. Adire aleam. Fortunæ committere, objicere. Il a beaucoup aventuré de mettre son argent dans cette affaire. Cet argent est bien aventuré ; pour dire, qu’on le tient perdu, ou qu’il est en grand danger. On le dit plus souvent avec le pronom personnel, Vous vous aventurez trop. Ce Capitaine s’est bien aventuré, d’entrer si avant dans le Pays ennemi. Cet argent est bien aventuré, pour dire, qu’on le tient perdu, ou qu’il est en grand danger.

Adventuré, ée, part. pass. & adj.

AdVENTUREUX, euse. adject. Hardi, qui s’expose témérairement au péril. Audax, periculi contemptor, ad audendum projectus. Ce soldat est fort aventureux. Ce terme n’est guère en usage.

AdVENTURIER, ou AVENTURIER, ou AVANTURIER, s. m. Qui cherche la gloire par les armes ; qui court après la fortune à travers les dangers. Il y avoit


bien des volontaires, des aventuriers en cette armée. Velites, velones. Les anciens Paladins étoient des Chevaliers aventuriers. Combien de ces mots aventuriers qui paroissent subitement, qui durent un temps, & qu’on ne revoit plus ? La Bruy. On a fait une Histoire des Aventuriers ; ce sont des Corsaires qui ont couru les Isles de l’Amérique. On le disoit particulièrement autrefois de ceux qui alloient volontairement à la guerre pour se signaler, & pour acquérir la réputation de braves.

Adventurier, se dit plus spécialement de ceux qui sont peu favorisés de la fortune, & qui cherchent à s’établir. On le dit aussi des téméraires, qui hasardent tout légèrement, & imprudemment. Temerarius. Cet homme est un aventurier que les mauvais succès ne rebutent point. Le Maréchal de Gassion, si aventurier pour les partis, & si brusque à charger, craignoit les engagemens entiers. S. Evr. Ce nouvel Auteur est un aventurier qui se veut faire connoître en attaquant un Auteur célèbre.

Adventurier. Il s’applique par similitude à ceux qui sans être amoureux d’aucune femme, tâchent de gagner les bonnes graces de toutes. C’est un jeune aventurier, qui ne s’attache à rien, & qui donne à tout. Acad. Franç.

ADVENTURINE, ou AVENTURINE, s. f. Pierre précieuse, jaunâtre, parsemée de plusieurs points d’or qui lui donnent un brillant admirable. Il y en a aussi de couleur d’olive. On en trouve de fort grands morceaux dans la Bohème & dans la Silésie.

Adventurine. s. f. Est une sorte de verre mêlé avec de la limaille de cuivre, qui y éclate comme de petits grains d’or. Ce nom lui a été donné, parce que le secret en a été trouvé par aventure. Le hazard ayant fait tomber quelque limaille de cuivre dans les fourneaux des verrier pour faire de l’émail qui devoit venir de la couleur de l’émeraude, le métal demeura sans se fondre, & fit cet agréable mélange de cuivre & de verre qu’on voit en l’aventurine, & qui la rend fort cassante. Ce nom lui peut venir aussi de la ressemblance qu’elle a avec l’aventurine, pierre précieuse.

ADVERBE. s. m. Tèrme de Grammaire. Adverbium. C’est une des parties d’oraison qui ne se décline, ni se conjugue, & qui se joint avec les verbes, ou avec les adjectifs, pour expliquer la manière d’agir, ou de souffrir, & pour en marquer les différentes circonstances. Il agit constamment ; il est vivement poursuivi ; il est fort malade. Les adverbes se distinguent en adverbes de temps, de lieu, & en un grand nombre d’autres. Ils augmentent, ou diminuent la force des mots avec lesquels ils sont joints. Notez qu’il ne faut pas placer l’adverbe trop loin de son vèrbe. Les adverbes de quantité veulent avoir l’article indéfini après eux : il y a disette de bled. Il en faut excepter bien, qui demande l’article défini : Il a bien de l’esprit, au lieu qu’on dit, il a beaucoup d’esprit avec l’article indéfini. Il faut faire la même exception quand le vèrbe régit l’accusatif ; il aime trop les femmes. Si l’adverbe de quantité ne se rapporte point à la chose dont on parle, mais seulement au verbe dont il amplifie, ou modifie la signification, en ce cas on se sert de l’article défini : Donnez-moi un peu de l’eau ; & s’il se rapporte à la chose, on dit, Donnez moi un peu d’eau. Il est bon de remarquer encore que le génitif, qui vient après les adverbes de quantité, donne la loi au verbe, & le régit : Un grand nombre de témoins rapportent. La plûpart des gens se laissent aller au vice.

ADVERBIAL, ale. adj. qui tient de l’adverbe. Adverbialis. Phrase qui se fait de deux ou trois mots qui ont la force d’un adverbe, comme A tâtons, est un mot adverbial ; une phrase adverbiale : C’est au pis aller, Coup sur coup, De temps en temps.

ADVERBIALEMENT. adv. d’une manière adverbiale. Adverbialiter. Ce mot se prend adverbialement en telles ou telles phrases.

ADVERSAIRE. s. m. & f. Antagoniste : celui qui combat ou qui dispute contre quelqu’un. Adversarius. David avoit à combattre un redoutable adversaire : c’étoit Goliath. Cardan avoit un puissant adversaire qui écrivoit contre lui : c’étoit Scaliger en ses Exercitations. Ne vous prévaolez point trop de la victoire, &


ne poussez point un adversaire à bout. Il faut prendre conseil sur le champ, & se résoudre sur la mine & sur la contenance de son adversaire. Balz. Vous aurez de la peine à vaincre, ou à repousser une si dangereuse adversaire.

ADVERSATIF, ive. adj. Terme de Grammaire, se dit d’une particule ou conjonction, qui marque quelque différence, ou quelqu’opposition entre ce qui la suit, & ce qui la précède. Adversus. Mais est une particule adversative. Je voulois partir ; mais le mauvais temps m’en a empêché. Ou est une conjonction adversative : c’est lui ou vous. Oui, ou non.

ADVERSE. adj. Terme de Palais. Contraire, opposé, Adversus. C’est la personne contre laquelle on plaide. Il y a des Praticiens qui écrivent & qui prononcent averse : c’est une faute. Il faut nécessairement écrire & prononcer le d, comme dans adversaire, adversité, parce qu’il vient d’adversus, & non pas d’aversus. Voilà les deux parties adverses. On dit aussi, l’adverse fortune ; pour dire, la mauvaise fortune. Il ne s’emploie que dans ces deux phrases.

On le dit par application d’une personne qui n’en aime pas une autre, qui la déchire, ou la contredit par-tout : il ne faut pas prendre garde à ce qu’il dit d’un tel, c’est sa partie adverse.

ADVERSITÉ. s. f. Disgrace, malheur, état fâcheux où l’on se trouve par la perte de la santé, de l’honneur, ou des biens. Adversæres. Job souffrit constamment son adversité. Dieu éprouve ses Elus par l’adversité. La vertu se recueille, & se réunit dans l’adversité, au lieu qu’elle se relâche & se dissipe dans le bonheur. Flech. Il est plus aisé de résister aux chagrins de l’adversité, qu’aux charmes de la prospérité. S. Evr. Un ami soulage le poids de l’adversité, parce qu’il en prend la moitié sur lui-même. L’homme ne sauroit tenir ni contre la prospérité, ni contre l’adversité. Flech. Il n’y a rien qui s’use tant, & qui s’épuise si aisément, que les consolations dans l’adversité. B. Rab.

Ces mots viennent de la préposition Adversus. Contre

AdVERTIR, verb. act. Apprendre à quelqu’un une chose qu’il lui importe de savoir ; l’instruire de ce qu’il ignore ; lui en donner avis. Admonere. Cet espion avertit de tout ce que les Ennemis entreprennent. Il faut l’avertir sans cesse de penser à ses devoirs. Un ami qui nous avertit judicieusement de nos fautes, est un bien inestimable. S. Evr. Les grands admirateurs sont de si sottes gens, qu’ils ont souvent besoin qu’on les avertisse quand il faut rire. Id. La mort qui nous avertit tous les jours du peu de temps que nous avons à jouir des biens fragiles du monde, ne modère point nos empressemens. P. Gail.

On dit en général qu’un homme est bien averti ; pour dire, qu’il est bien informé de ce qui se passe.

Adverti, ie, part. Admonitus.

On appelle au Manége, un pas averti, ou un pas écouté, celui qui est réglé & soutenu ; un pas d’école.

On dit en proverbe, qu’un averti en vaut deux ; pour dire, qu’un homme instruit a un grand avantage, & qu’il est dangereux d’attaquer un homme qui est sur ses gardes. Avertir quelqu’un de son salut ; pour dire, lui apprendre une chose qui décide de toute sa fortune.

AdVERTISSEMENT, s. m. Instruction, conseil, remontrance. Admonitio. Ce Précepteur donne de bons avertissemens à ses écoliers. Avertissement au Lecteur, est la préface d’un Livre, qui sert d’instruction au Lecteur.

Advertissement, signifie aussi des pressentimens, des avant-coureurs ; des avis qu’on donne, ou qu’on reçoit, & qui sont utiles pour profiter de quelque chose, ou pour éviter quelque mal. La lassitude, ou la pesanteur des membres, est un avertissement de quelque maladie.

On dit proverbialement, C’est un avertissement au Lecteur ; pour faire entendre à propos de quelque accident, que l’on doit prendre garde à soi.

Advertissement, en termes de Palais, est une pièce d’écriture que font les Avocats en première instance pour l’instruction du procès, pour y déduire le fait, & tous les moyens de droit. Requête d’avertissement. Avertissement en droit que met & baille par-devant vous, &c. c’est le titre des écrits d’un procès.

AdVERTISSEUR, s. m. Est un Officier chez le Roi, qui avertit lorsque le Roi vient dîner. Admonitor, monitor.


Tome I. K A b YEU