Page:Trigault - Lettre du R P Trigaut escrite a ceux de la mesme Compagnie, 1609.djvu/74

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demeuré vne bonne piece de temps, deffendant la cauſe des Chreſtiens, ſoulageant & ſeruant les malades, inſtruiſant la jeuneſſe ; mais auec tout cela en tout ce temps qui fut aſſez long, il fit fort peu de Chreſtiens. A celuy-là ſucceda le P. Robert Nobilius, Italien de nation, lequel s’enqueſtant de l’humeur des perſonnes de ce pays-là, apprint que deux choſes empeſchoient l’aduancemẽt du Chriſtianiſme : l’vne la pauureté des habits, & l’autre, la trop grande facilité à ſe communiquer à tout le monde. C’eſt merueille (mes freres bien-aimez) combien ces nations ſont ignorantes & ſçauẽt peu que c’eſt d’humilité, meſurant la vie & la doctrine à la richeſſe & ſplendeur des veſtemens. Au moyen de quoy ce bon Pere ſe faiſant tout pour tous (ſelon noſtre inſtitut, qui n’a point de robbe qui luy ſoit propre) changea d’habits & ſe reueſtit d’vne longue robbe d’eſcarlate rouge, imitant en ſon exterieur les plus nobles du pays. Il s’eſt à la meſme intention priué de chair & de vin, ne viuant que de poiſſon & d’herbes, dequoy s’en eſt enſuiuy vn grãd fruict, ayant en peu de temps conuerty à la foy pluſieurs jeunes Seigneurs de marque. Il eſt tãtoſt temps que nous paſſions au Royaume de Pegu, ja-