Page:Trollope - La Pupille.djvu/164

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« Vous n’habitez donc pas le grand salon, Sophie ? demanda le major en passant dans la salle à manger où le dîner était servi.

— Non, répondit-elle assez poliment ; l’ameublement en est très-élégant, la soie est presque comme neuve, et il serait malheureux de s’y tenir habituellement.

— Et c’est sans doute pour économiser ces vieux meubles que vous en faites faire de neufs pour votre chambre du premier ?

— Non, monsieur ; mais j’avais besoin d’un cabinet pour écrire, lire, recevoir mes visites, et pouvoir au besoin rester un peu seule.

— Mais était-il nécessaire, ma chère Sophie, d’orner et de meubler ce cabinet de travail aussi richement qu’un boudoir ? »

L’héritière devint rouge de dépit ; mais, tâchant de retenir les impertinences qu’elle était prête à répondre à son tuteur, elle reprit avec hauteur :

« Monsieur Thorpe, mon oncle regretté habitait ces deux chambres, et je ne croyais pas mériter de reproches en gardant pour moi l’appartement qu’il s’était choisi.

— Des reproches, ma chère enfant ! mais je ne vous en fais pas et n’ai pas l’intention de vous en adresser, reprit le major qui ajouta en soulevant son verre : Trinquerai-je avec vous, Sophie ? »

Miss Martin Thorpe tendit son verre au sommelier, qui y versa quelques gouttes de vin, et but à la santé de ses hôtes. À partir de ce moment, la conversation devint languissante. Le major parlait seul et sans gaieté ; Florence rêvait ; Sophie prenait des airs de grande dame, et mistress Heathcote, se rappelant l’élégance et le confortable du service et du repas lors de son premier voyage à Combe, les comparait à ce qu’elle voyait maintenant.