Page:Trollope - La Pupille.djvu/240

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parla pas des Spencer, dont elle avait accepté le silence comme un refus.

Ces ordres surprirent énormément la femme de charge : aussi s’empressa-t-elle d’aller en converser avec les autres domestiques. Mistress Barnes n’avait jamais vu M. Jenkins, mais ceux des serviteurs de la maison qui avaient eu l’occasion de l’approcher en faisaient un mince éloge. Ils ne pouvaient parler de sa fortune, qu’ils ne connaissaient pas ; mais ils ne vantaient ni sa figure ni ses manières.

« — C’est bien, dit le sommelier, le plus drôle de corps auquel j’aie jamais versé à boire, et, si ce n’était le patronage de lord Broughton, qui le traite familièrement, je dirais qu’il n’a pas même l’air d’un gentleman.

— Et moi, dit à son tour William, je dis qu’un homme qui possède un si beau cheval, et lui fait faire des courses telles que d’ici à Broughton-Castle, doit être au moins millionnaire… ou marchand de chevaux.

— Un marchand de chevaux ! fi, pouvez-vous parler ainsi d’un homme qui a l’honneur d’être reçu chez votre maîtresse ?

— Je n’ai rien dit d’impertinent, ce me semble, répondit William, un peu alarmé, et j’espère bien, mistress Robert, que vous ne me ferez pas gronder pour cela ?

— Je parie un schelling avec qui voudra, interrompit Nancy, que miss Sophie est amoureuse de ce gentleman, qu’elle a le projet de l’épouser, et que c’est uniquement pour cela qu’elle réunit ici toute sa famille… Je vous défie d’expliquer autrement tout ce qui se passe.

— Je crois, dit à son tour mistress Barnes, qu’elle aime trop son argent et qu’elle s’aime trop elle-même, pour vouloir se marier ; car alors il lui faudrait le partager, cet argent chéri. Enfin, arrive que pourra ; ce qu’il y a de sûr pour nous, c’est que nous n’avons