Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/39

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tion sur les Indefer Jones. Mais le refus qu’elle avait dû faire, avant que son oncle changeât ses intentions, lui liait maintenant les mains.

Son sort était bien cruel ; mais elle se disait à elle-même qu’elle avait le devoir de l’endurer sans se plaindre. Elle connaissait la profondeur de l’affection que lui portait son oncle, et, comme elle l’aimait tendrement elle aussi, elle était prête à tout supporter pour lui. C’était l’irrésolution du vieillard qui avait fait son malheur à elle ; mais il avait fait ce qu’il croyait être le mieux. Peut-être éprouvait-elle quelque chose de la fierté du martyr. Peut-être trouvait-elle quelque gloire à tant souffrir. Mais elle était décidée à garder le secret de sa gloire et de son martyre. Nul être humain n’entendrait jamais sortir de ses lèvres une plainte contre l’oncle Indefer.

Le lendemain de son arrivée, son père lui fit quelques questions sur les intentions de son oncle relativement à la propriété.

« Je crois que tout est réglé, dit-elle. Je crois que Llanfeare est laissé à mon cousin Henry.

— Alors, il a changé ses dispositions, dit son père avec irritation. Il avait l’intention de faire de vous son héritière.

— Henry est en ce moment à Llanfeare, et Henry sera son héritier.

— Pourquoi ce changement ? C’est le comble de l’injustice de faire une promesse en pareille matière et de la violer ensuite.

— Qui vous a parlé d’une promesse ? Jamais je ne vous ai dit semblable chose. Papa, j’aimerais mieux ne pas parler de Llanfeare. Depuis le premier jour que je l’ai connu, l’oncle Indefer a été pour moi plein de tendresse. Je ne voudrais pas qu’une de mes pensées fût souillée par l’ingratitude. Quoi qu’il ait fait, il l’a fait croyant agir pour le mieux. Peut-être devrais-