places de commerce, comme on voit des marchands ramasser de village en village, jusqu’au fond de la Normandie, le beurre et les œufs qui s’y produisent, et les aller vendre à Paris. Cette facilité ouverte au peuple de faire fructifier ses épargnes serait pour lui l’encouragement le plus puissant à l’économie et à la sobriété, et lui offrirait le seul moyen qu’il ait de prévenir la misère où le plongent les moindres accidents, les maladies ou au moins la vieillesse.
La loi qui établirait ce nouvel ordre de choses est donc aussi désirable que juste, et plus favorable encore au peuple pauvre qu’au riche pécunieux.
Je ne dis pas cependant qu’il faille la rendre à présent.
J’ai insinué que je sentais tous les ménagements qui peuvent être dus au préjugé, surtout à un préjugé que tant de personnes croient lié à des principes respectables.
Mais j’ose dire que cette liberté entière du prêt à intérêt doit être le but plus ou moins éloigné du gouvernement ;
Qu’il faut s’occuper de préparer cette révolution en changeant peu à peu les idées du public, en favorisant les écrits des jurisconsultes éclairés et des théologiens sages qui adopteront une doctrine plus modérée et plus juste sur le prêt à intérêt ;
Et qu’en attendant qu’on ait pu atteindre ce but, il faut s’en rapprocher autant qu’il est possible.
Il faut, sans heurter de front le préjugé, cesser de le soutenir, et surtout en éluder l’effet et garantir le commerce de ses fâcheuses influences.
La voie la plus directe pour y parvenir, et celle à laquelle j’avoue que j’inclinerais beaucoup, serait d’interdire entièrement, par une loi, toute poursuite criminelle pour fait d’usure. Je ne crois pas impossible de rédiger cette loi et le préambule qui doit l’annoncer, de façon à conserver tous les ménagements nécessaires pour les principes reçus.