Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/332

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augmentés, ont mis en accroissement de leurs avances toute la part des profits qu’ils se sont réservés. Ils ont fondé l’assurance de ces avances sur les bénéfices résultant d’une plus grande production. Si cette production tombe en non-valeur, non-seulement ils perdent l’intérêt de leurs avances, mais leur capital ne rentre même pas pour être rendu à la culture l’année suivante. Voilà donc la totalité des nouvelles avances perdue par l’anéantissement des bénéfices sur l’espérance desquels on les avait confiées à la terre, et les anciennes entamées pour satisfaire à l’augmentation du fermage. De là une diminution notable dans la culture.

Jusqu’ici j’ai, monsieur, raisonné dans votre supposition, que le propriétaire peut toujours s’approprier à la fin du bail la totalité des profits du cultivateur, ou du moins la totalité de ces profits pour les années subséquentes, déduction faite de l’intérêt des profits recueillis pendant le courant du bail, convertis par le cultivateur en capitaux et en augmentation d’avances de culture : mais je vous avais trop accordé. Quelques réflexions sur la manière dont l’augmentation des baux résulte de l’augmentation des profits du cultivateur, vous feront sentir combien cette supposition est éloignée du vrai.

Il faudrait, pour qu’elle fût exacte, que le propriétaire put faire la loi à son fermier, et forcer celui-ci à lui donner la totalité de ce qu’il gagne au delà du salaire de son travail et de l’intérêt de ses avances. Or, il n’y a certainement aucune raison pour que le propriétaire fasse la loi au fermier plutôt que le fermier au propriétaire ; car le besoin est réciproque, et le propriétaire sans le fermier serait encore plus embarrassé que le fermier ne le serait sans lui. En effet, sans avances et sans connaissances de la culture, le propriétaire mourrait de faim sur le plus beau domaine, à moins qu’il n’en cultivât quelque coin à bras, ou qu’il n’en vendît une partie pour acheter les bestiaux ou les outils nécessaires à la culture de l’autre. Le fermier du moins pourrait, avec quelque perte, changer de nature ses richesses mobiliaires et les faire valoir dans quelque autre commerce.

Il y a même une raison encore plus forte pour faire penser que si du fermier ou du propriétaire l’un des deux devait faire la loi à l’autre, ce serait le fermier : celui-ci sait avec précision ce qu’il dépense et ce qu’il gagne sur son exploitation, et par conséquent ce qu’il peut céder au propriétaire sur son bénéfice sans risquer d’en-