Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/335

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Tout ce que je viens de développer, monsieur, n’est cependant encore que la plus petite partie des avantages que vous devez vous promettre à raison de l’accroissement de culture qui sera la suite de la liberté du commerce des grains ; ce qui me reste à dire est d’une tout autre importance, et pour l’avantage des cultivateurs considérés individuellement comme hommes, et pour l’extension de la culture en général.

Si toutes les provinces ressemblaient à la Flandre, à la Picardie, à la Normandie, à l’Île de France et aux autres provinces exploitées par des fermiers, l’accroissement de la culture y suivrait la marche que je viens d’indiquer : les premiers profits faits par les fermiers jusqu’au renouvellement de leurs baux seraient convertis en capitaux, et reversés sur la terre ils donneraient lieu à de nouveaux profits par l’augmentation des productions. Les fermiers enrichis chercheraient à étendre leurs exploitations : leurs enfants s’attacheraient au métier de leurs pères devenu plus lucratif ; tous voudraient se procurer des fermes, et courant sur le marché les uns des autres, ils hausseraient le prix du fermage au profit des propriétaires. Comme l’étendue des héritages à affermer n’augmenterait pas, le haussement des loyers en serait d’autant plus considérable, et les profits restant aux fermiers d’autant plus réduits, jusqu’à la concurrence néanmoins de l’intérêt des capitaux nouvellement versés dans la culture ; car si la réduction des fermages était une fois arrivée à ce point, le surplus des capitaux refluerait sur d’autres emplois et irait vivifier d’autres branches de commerce.

Il en sera tout autrement si les entrepreneurs de culture, au lieu d’être forcés de courir sur le marché les uns des autres pour se procurer des fermes à exploiter, peuvent trouver à louer des terres qui auparavant n’étaient pas affermées. Au lieu d’offrir de plus gros loyers des terres déjà voisines de leur véritable valeur, on les verra se présenter aux propriétaires qui, faute d’un nombre suffisant de capitalistes entrepreneurs de culture, ne trouvaient point de fermiers, et étaient par là forcés de faire eux-mêmes toutes les avances de la culture et de faire travailler leurs terres à moitié fruit par de misérables colons qui n’apportaient sur leurs domaines

    amène d’abord une plus grande somme de produits proportionnels ; mais il y a une limite, et il arrive que la terre finit par ne plus rendre l’intérêt, encore bien moins le profit, de l’argent qui est employé à sa mise en valeur. (Hte D.)