Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/488

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conséquent un obstacle presque invincible au progrès des manufactures.

Les sieurs La Forêt insistent pour l’exemption des nouveaux droits imposés sur les cotons filés du Levant. Cet article souffrira peut-être un peu plus de difficulté, si, comme je le présume, le motif quia fait établir ces nouveaux droits est le désir de hâter l’établissement de la filature dans le royaume. Je crois cependant qu’en attendant que ces filatures soient établies, il est fort dangereux que les manufactures montées languissent faute de matière ; or, il est certain que les manufactures de filage déjà établies sont le seul ressort qui puisse donner de l’activité à la filature. L’intérêt des manufacturiers les engagera toujours suffisamment à répandre autour d’eux cette industrie, parce qu’ils gagneront toujours plus à tirer leurs fils de près que de loin. Je ne regarde donc les cotons filés chez l’étranger que comme un supplément, mais supplément qui peut devenir nécessaire en bien des cas pour le soutien des manufactures, et qui, par une conséquence plus éloignée, mais non moins certaine, concourt à l’établissement même de la filature dans l’intérieur. Je pense donc que, du moins dans une province où la filature n’est pas encore assez bien montée pour alimenter les manufactures, il n’y aurait point d’inconvénient à faciliter l’entrée du coton filé étranger. Si cependant vous y trouviez de la difficulté, je n’en insisterais pas moins pour que vous eussiez la bonté d’accorder aux sieurs La Forêt l’exemption de droits qu’ils demandent pour leurs étoffes et pour les autres matières premières qu’ils emploient dans leur manufacture.

Voici donc, monsieur, pour résumer mon avis, à quoi se réduisent les encouragements qu’il me paraît juste et utile d’accorder aux sieurs La Forêt.

1o La confirmation de la possession où ils sont d’être regardés comme habitants de la ville de Limoges, comme tels compris dans le corps des négociants de cette ville susceptibles des places de la juridiction consulaire et des places municipales, et taxés pour leurs impositions personnelles au rôle de la ville.

2o La continuation des différents privilèges autres que le privilège exclusif, dont ils ont joui en vertu de l’arrêt du conseil du 30 juillet 1743, c’est-à-dire de l’exemption de collecte, milice, logement de gens de guerre, tutelle, curatelle et autres charges publiques, et le privilège d’être taxés d’office modérément.