Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/512

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la plus considérable des fers qui se fabriquent et se vendent. C’est surtout comme instrument nécessaire à la pratique de tous les arts, sans exception, que ce métal est si précieux, si important dans le commerce : à ce titre, il est matière première de tous les arts, de toutes les manufactures, de l’agriculture même, à laquelle il fournit la plus grande partie de ses instruments ; à ce titre, il est denrée de première nécessité ; à ce titre, quand même on adopterait l’idée de favoriser les manufactures par des prohibitions, le fer ne devrait jamais y être assujetti, puisque ces prohibitions, dans l’opinion même de leurs partisans, ne doivent tomber que sur les marchandises fabriquées pour la consommation, et non sur les marchandises qui sont des moyens de fabrication, telles que les matières premières et les instruments nécessaires pour fabriquer ; puisque l’acheteur des instruments de fer servant à sa manufacture ou à sa culture doit, suivant ce système, jouir de tous les privilèges que les principes de ce système donnent au vendeur sur le simple consommateur.

Défendre l’entrée du fer étranger, c’est donc favoriser les maîtres de forges, non pas seulement, comme dans les cas ordinaires de prohibitions, aux dépens des consommateurs nationaux ; c’est les favoriser aux dépens de toutes les manufactures, de toutes les branches d’industrie, aux dépens de l’agriculture et de la production des subsistances, d’une manière spéciale et encore plus directe que l’effet de toutes les autres prohibitions dont il faut avouer qu’elle se ressent toujours.

Je suis persuadé que cette réflexion, qui, sans doute, s’est aussi présentée à vous, vous empêchera de condescendre aux sollicitations indiscrètes des maîtres de forges et de tous ceux qui n’envisageront cette branche de commerce qu’en elle-même, et isolée de toutes les autres branches avec lesquelles elle a des rapports de nécessité première.

J’ajouterai encore ici deux considérations qui me paraissent mériter toute votre attention.

L’une est qu’un grand nombre d’arts n’ont pas besoin seulement de fer, mais de fer de qualités différentes et adaptées à la nature de chaque ouvrage. Pour les uns, il faut du fer plus ou moins doux ; d’autres exigent un fer plus aigre ; les plus importantes manufactures emploient de l’acier, et cet acier varie encore de qualité ; celui