Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/53

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C’est pendant la durée de son intendance que Turgot rédigea ses plus brillants travaux économiques, ses Réflexions sur la formation et la distribution des richesses ; l’article Valeurs et monnaies, qui paraît avoir été destiné au Dictionnaire du commerce, projeté par l’abbé Morellet ; le Mémoire sur les prêts d’argent et les Lettres sur la liberté du commerce des grains, écrits auxquels on pourrait joindre encore le célèbre Mémoire sur les mines. Parmi toutes ces productions, dont la valeur relative est immense, et la valeur absolue encore au niveau de nos connaissances actuelles en économie sociale, le traité sur la Formation et la distribution des richesses doit particulièrement attirer les regards[1]. D’abord, c’est le catéchisme de la véritable doctrine de Quesnay et de Gournay[2], et

    lité de Limoges, tome II, pages 1 et suivantes. — On lit dans l’article Turgot, de la Biographie universelle. — « Les mesures inusitées qu’il crut devoir prendre dans son intendance (relativement à la circulation des grains) donnèrent lieu à de fréquentes révoltes, dans lesquelles il déploya sans doute beaucoup de sang-froid et de fermeté, mais il eût mieux valu s’épargner les occasions démettre ces vertus en pratique. » — D’abord, il n’y eut pas de révoltes dans le Limousin, mais quelques rassemblements populaires, réprimés par de simples ordonnances de police. Ensuite, le rédacteur de cet article aurait dû savoir, qu’en protégeant la circulation des grains, Turgot n’employait pas son autorité pour défendre ses convictions économiques, mais bien pour faire exécuter la législation en vigueur (celle de 1763 et 1764).

  1. Cet ouvrage eut quatre éditions. La première est de 1766. — Voyez Lettres inédites, tome II, page 833.
  2. Les historiens et les économistes sont d’accord pour supposer entre Quesnay et Gournay, et par suite entre Turgot, élève de celui-ci, et le premier de ces deux philosophes, une dissidence dont ils ne rapportent pas la preuve, il serait cependant bon de s’entendre. En politique, oui, il est incontestable que Turgot se sépare de Quesnay, qui ne voulait aucun contrepoids à l’autorité royale ; mais il ne l’est pas moins qu’en économie politique le système de l’un est identique avec celui de l’autre. L’auteur de l’article consacré à Turgot, dans l’Encyclopédie nouvelle, a reconnu ce dernier point, mais il ne persiste pas moins à parler de l’école de Gournay, par opposition à celle de Quesnay. Mais qu’est-ce que l’école de Gournay ? Ce philosophe, sauf une traduction de Josias Child, n’a rien écrit que des Mémoires aux ministres, qui n’ont pas vu le jour. C’est par Turgot seulement que nous connaissons ses idées, et ce qu’en a dit Turgot n’autorise en aucune manière à prétendre qu’elles différassent de celles du chef de l’École physiocratique. Il est vrai que Dupont de Nemours a commenté dans ce sens une phrase de l’Éloge de Gournay. (Voyez la note de la page 266 de ce volume.) Mais, comme Dupont de Nemours n’appuie lui-même ce commentaire d’aucune autorité, il est évident qu’on ne sait rien de positif sur la dissidence prétendue de doctrine entre l’intendant du commerce et le médecin de Louis XV.