Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/568

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leurs : c’est parce qu’il est lui-même un objet de commerce, une richesse, parce qu’il a une valeur, et que toute valeur s’échange dans le commerce contre une valeur égale.


L’auteur propose une objection contre les principes de ses adversaires, qu’on peut réduire à ces questions : « Si l’industrie et le commerce ne produisent aucune richesse, comment les nations qui ne sont qu’industrieuses et commerçantes vivent-elles ? Comment s’enrichissent-elles ? Si l’impôt ne peut être pris que sur le produit net des terres, comment ces nations payent-elles des impôts ? Est-ce que l’industrie serait richesse dans un État commerçant, et ne serait pas richesse dans un État agricole ? »

Il n’y a point de nations qui soient industrieuses et commerçantes par opposition à l’agriculture ; et il n’y a pas non plus de nations qui soient agricoles par exclusion de l’industrie et du commerce. Le mot de nation n’a pas été jusqu’ici trop bien défini, parce qu’on a souvent confondu les nations avec les corps politiques ou les États.

Une nation est un assemblage d’hommes qui parlent une même langue maternelle. Ainsi, tous les Grecs étaient de la même nation, quoique divisés en une foule d’États. Les Italiens aujourd’hui forment une nation, et les Allemands une autre, quoique l’Italie et l’Allemagne soient divisées en plusieurs souverainetés indépendantes. La nation française n’était pas autrefois réunie en un seul corps de monarchie ; plusieurs provinces obéissaient à divers souverains, et tout ce qui parle français n’est pas même réuni au royaume de France.

Un État est un assemblage d’hommes réunis sous un seul gouvernement. Cette distinction n’est pas aussi purement grammaticale, ni aussi étrangère ici, qu’elle le paraît.

Le nom de nation ne peut s’appliquer qu’à un grand peuple répandu dans une vaste étendue de pays qui fournit aux habitants de quoi satisfaire à leurs besoins. Le sol, par les travaux de l’agriculture, leur donne la nourriture et les matières premières de leurs vêtements ; l’industrie façonne ces matières premières et les rend propres à divers usages. Le commerce rapproche les consommateurs des producteurs, leur épargne la peine de se chercher réciproquement, leur assure de trouver la denrée dans le lieu et au moment