Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/573

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l’imposition, répartition et perception des différents droits que nous sommes obligés de lever sur eux ; et pour n’y perdre aucun moment, nous nous sommes proposé de les faire jouir successivement de ce que nous nous trouverons en état de régler à cet égard. Nous

    trie. Ce droit se traduisait, dans la réalité, par celui de dépouiller chacun de tout ce qu’on pouvait lui prendre, attendu que le fisc, non-seulement ne connaissait pas l’importance des revenus, mais était même hors d’état d’employer des moyens rationnels pour la découvrir. Les détails donnés par Turgot rendront cette proposition évidente.

    Le vingtième, tout à la fois contribution foncière et mobilière, était un impôt de quotité, c’est-à-dire qu’il devait, en principe, suivre les variations du revenu.

    Sous le rapport territorial, il constituait un accroissement de la taille qui atteignait déjà les propriétaires indirectement, quoiqu’ils eussent rejeté la plus lourde portion du fardeau sur les cultivateurs. Sous le rapport mobilier, il constituait un accroissement de la capitation.

    Cet impôt, qui avait remplacé le dixième, dont néanmoins les 2 sous pour livre subsistaient toujours, fut établi par M. de Machault, en 1749. « Voulons, dit l’article 5 de l’édit, qu’à commencer du Ier janvier 1750, le vingtième soit annuellement levé à notre profit sur tous les revenus et produits des sujets et habitants de notre royaume, terres et seigneuries de notre obéissance, sans aucune exception. »

    Mais les exceptions furent très-nombreuses. Il y eut, d’abord, celle du clergé qui, par des remontrances du mois d’août 1749, fit prévaloir la doctrine qu’il était exempt de toutes impositions, de quelque nature qu’elles fussent, et établit que ce privilège devait être mis au rang des lois primitives et inébranlables qui fondent le droit des nations. En conséquence, le clergé s’affranchit de l’impôt par une légère addition à la somme dont il voulait bien, à titre de don gratuit, faire l’aumône au Trésor. Il y eut ensuite celle des pays d’État, villes, principautés et seigneuries du royaume, qui parvinrent à transformer en un simple abonnement, d’une somme fixe et invariable, la part beaucoup plus forte que la loi leur réservait dans cette charge nouvelle. Ainsi, l’égalité de l’impôt, relativement à son assiette, devint tout à fait illusoire. Il est facile d’imaginer en outre ce que fut la répartition d’une taxe foncière et mobilière, à une époque où il n’existait pas de cadastre, et où le pauvre, de l’aveu de l’administration elle-même, était livré sans défense à la cupidité des riches et à l’arbitraire des agents du pouvoir.

    En 1736, la guerre ayant éclaté avec l’Angleterre, on ordonna la levée d’un second vingtième, et la déclaration ne fut enregistrée que dans un lit de justice. Elle portait que le premier vingtième, établi à perpétuité d’abord, ne durerait pas plus de dix ans après la paix, et que le second cesserait trois mois après sa publication.

    Enfin, en février 1760, on établit un troisième vingtième, augmenté de 2 sous pour livre, dont la perception ne devait avoir lieu que durant les années 1760 et 1761, mais fut prorogée ensuite, par un édit nouveau, jusqu’en 1764.

    Vers cette dernière époque, la situation se résumait donc en ces termes : la paix était faite ; le dernier vingtième allait finir, le second n’avait été prorogé que jusqu’en 1768, et le premier n’avait qu’une durée temporaire un peu plus longue. Cependant, l’état des finances ne permettait pas qu’on se dessaisît d’une ressource qui rapportait plus de 60 millions, et la raison demandait qu’on conservât un im-