Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/590

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mentation de la cote des propriétaires de fiefs qu’à celle des cotes des autres citoyens : c’est au contraire sur les propriétaires de fiefs que doit tomber la plus grande partie des augmentations, parce que c’est en leur faveur que sont faites presque toutes les omissions, toutes les fausses évaluations. On a en général imposé les taillables assez exactement, parce qu’on a relevé les rôles des tailles, et parce que les biens-fonds et les maisons se cachent difficilement. Mais il est très-difficile d’imposer exactement les seigneurs. Dans les pays de petite culture, le revenu des seigneurs est pour la plus grande partie en rentes en grains ; et ces rentes sont très-faciles à cacher, surtout dans quelques provinces, où elles sont solidaires entre tous les tenanciers d’un même tènement, et où cette solidarité ne se prescrit que par trente ans. Cette jurisprudence, il faut le dire en passant, offre encore un obstacle à vaincre pour établir une véritable administration municipale dans les campagnes ; elle met le seigneur à portée de ruiner en un instant un tenancier dont le bien ne vaut souvent pas la totalité des arrérages dus par ses cotenanciers. Il arrive de là que les paysans sont toujours dans le cas de trembler devant leur seigneur, et que malgré l’intérêt qu’ils auraient de dénoncer cette rente, ils aiment mieux payer un peu plus. Or, la voie des délibérations qu’on exige est certainement la moins propre à enhardir ceux qui auraient à déclarer qu’ils payent des rentes : la plupart n’oseront parler dans une assemblée de la communauté.

Les observations à faire sur l’établissement des commissaires élus, sur l’espèce de tribunal qu’on appelle le département, et sur l’appel qu’on établit du département à la Cour des aides, seront placées aux articles qui suivent.

XX. Dans la formation des rôles des vingtièmes, lesdits officiers municipaux ou lesdits syndics auront égard à la continence et valeur de tous les fonds de leur territoire, et aux sommes auxquelles les vingtièmes auront été répartis sur les propriétaires desdits fonds par les rôles arrêtés en 1763 ; comme aussi aux nouvelles déclarations que les propriétaires pourront donner, auxquelles néanmoins lesdits officiers municipaux et syndics auront tel égard que de raison.

Observations. — Le travail à faire pour exécuter cet article est immense, il demande une vérification détaillée des fonds pour lesquels chacun est imposé. Or, dans la plupart des provinces les rôles de 1763 ne présentent aucun secours pour cette vérification ; chaque cote est conçue ainsi : N…… payera tant…. Les rôles de taille fourniraient plus de moyens, encore n’en peut-on pas tirer grand parti. Les minutes des directeurs et les procès-verbaux de vérifications des contrôleurs pourraient être beaucoup plus utiles ; mais ces procès-verbaux n’existent que dans les paroisses qui ont été ce qu’on appelle travaillées ou vérifiées. Le vingtième n’a été réparti dans les autres que d’après les déclarations des propriétaires, qui sont en général très-vagues, très-peu détaillées, très-incomplètes, très-inexactes.

J’ajoute que jusqu’à présent les biens des nobles et des privilégiés ne sont point compris dans les rôles des vingtièmes de chaque paroisse, mais qu’ils sont réunis, pour chaque élection, dans un rôle particulier dont le recouvre-