Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/605

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sur l’avis dudit commissaire départi, en quatre arrondissements composés, autant que faire se pourra, d’un égal nombre de communautés prises de proche en proche.

Observations. La répartition de paroisse à paroisse, qui fait l’objet des articles suivants, est de toute la partie des impositions celle à laquelle il est le moins pressant de donner une nouvelle forme. Celle qui a lieu pour la taille paraît entièrement arbitraire et l’est en effet, puisque l’intendant en décide seul au département. Mais cet arbitraire n’a presque point d’inconvénient. S’imaginer que l’intendant augmente ou diminue au hasard les paroisses pour favoriser ou pour punir les habitants, c’est connaître bien peu les hommes. Aucun homme chargé de l’administration d’une province ne voudra se déshonorer publiquement sans intérêt. Le département se fait en présence des officiers du bureau des finances, de ceux de l’élection, des receveurs des tailles, et tout intendant qui ferait un changement considérable à la répartition, sans motif, serait décrié dans toute la province ; d’un autre côté, quel intérêt pourrait-il avoir pour exposer ainsi sa réputation ? Tout ce qu’il peut faire, c’est d’accorder une cinquantaine de francs à quelques paroisses qui se plaignent de surcharge. Ces diminutions retombent sur la province entière, et ne font jamais pour aucune paroisse un objet remarquable. Le projet de répartition est toujours fait avant le département. Ce projet se fait ou dans les bureaux de l’intendant, ou dans ceux du receveur des tailles de l’élection. On prend toujours pour base la répartition de l’année précédente, en ayant égard aux diminutions d’usage pour raison des grêles et autres accidents. On a aussi égard aux diminutions accordées les années précédentes, et qu’on fait rentrer en augmentation lorsque le temps pour lequel la diminution a été accordée se trouve expiré. On forme ainsi une répartition de toute la somme à imposer, qu’on force d’une centaine de pistoles, plus ou moins. Cette somme en plus est destinée à être absorbée par les diminutions qu’il devient nécessaire d’accorder pour les accidents dont on n’a été instruit qu’à la veille du département, et pour avoir égard aux observations fondées que les receveurs des tailles ou les officiers des élections peuvent faire sur la surcharge de quelques paroisses. Ce forcement est ce qu’on appelle le gras, et l’on peut bien assurer que tout ce que fait l’intendant au département est de répartir ce gras le plus équitablement qu’il peut. Mais je suppose qu’il n’y mette pas toute l’équité convenable, quel mal en résultera-t-il ? que quelques paroisses auront été soulagées mal à propos de 50 liv. ou de 100 liv., et que les autres paroisses de l’élection se trouveront surchargées toutes ensemble d’une centaine de pistoles. Or, il est évident que cette surcharge partagée ne sera sensible à aucune d’elles. Il est arrivé une fois dans l’intendance de Limoges que M. d’Orsay, qui avait ses terres dans la généralité, après avoir disposé sur le gras qu’on lui avait laissé de tout ce qu’avaient exigé les représentations qui lui avaient été faites au département, s’avisa de donner huit cents francs qui lui restaient à répartir en diminution aux paroisses dont il était seigneur. C’était un peu plus de 400 liv. pour chacune ; c’était huit cents livres de plus sur toute l’élection. Sur cela, les élus refusèrent de signer le département, et M. d’Orsay essuya les plus grands désagréments. Il n’y a peut-être pas d’exemple d’un plus grand abus de l’arbitraire dans l’opération du départe-