Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/671

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ce qu’ils en donneraient de ferme. La proportion de la taille au prix des baux est aussi une chose connue et sur laquelle on ne peut se tromper. On peut dire que dans ce pays le cadastre est pour ainsi dire tout fait quant à l’évaluation des fonds.

L’état des choses est bien différent dans les provinces pauvres de l’intérieur du royaume, telles que le Bourbonnais, le Limousin et toutes les provinces abandonnées à la petite culture, à la culture par métayers.

Il est beaucoup question depuis quelque temps dans les ouvrages économiques de cette distinction entre la grande et la petite culture, distinction qui frappera les yeux de quiconque aura des terres dans deux des provinces où ces cultures sont respectivement en usage, mais qu’on a contestée, parce que les écrivains qui en ont le plus parlé ont négligé de s’expliquer assez clairement sur leurs vrais caractères distinctifs.

Il est absolument nécessaire de fixer les idées à ce sujet ; car, sans cette connaissance fondamentale, il serait impossible de faire aucun travail solide sur l’évaluation des biens-fonds dans les différentes provinces : on parlerait toujours sans s’entendre, et on se laisserait entraîner par cette confusion dans des erreurs funestes et destructives.

Les détails dans lesquels sont entrés quelques auteurs sur ces deux sortes de culture ont donné lieu à bien des personnes de s’imaginer que ce qu’on entendait par grande culture était la culture qui s’exécute avec des chevaux, et que la petite culture était celle qui s’exécute avec des bœufs. Quoiqu’il soit vrai qu’en général on n’emploie point de chevaux dans la petite culture, il s’en faut bien que ce soit là le vrai caractère de ces deux cultures, qui mettent ou plutôt qui supposent entre les deux parties du royaume qu’elles occupent une si énorme différence dans la valeur des terres et l’aisance du peuple. Il y a dans plusieurs provinces de grande culture des cantons où l’on travaille les terres avec des bœufs, et je connais en Normandie des terres louées 15 livres l’arpent et labourées de cette manière.

Ce qui distingue véritablement et essentiellement les pays de grande culture de ceux de petite culture, c’est que, dans les premiers, les propriétaires trouvent des fermiers qui leur donnent un revenu constant de leur terre et qui achètent d’eux le droit de la cultiver