Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’article Valeurs et monnaies, le Mémoire sur les prêts d’argent, les Lettres sur la liberté du commerce des grains, et le Mémoire sur les mines, sont des monographies brillantes, où la profondeur de la pensée philosophique s’unit à l’intelligence de tous les détails de la vie positive des sociétés. Ces savants travaux, modèles du genre d’élocution qui convient le mieux aux matières économiques, suffiraient seuls pour placer l’auteur au rang des maîtres les plus illustres de la science ; et, à l’époque où ils parurent, l’Angleterre n’avait certainement rien de pareil à leur opposer. Turgot avait tout dit, avant Bentham, sur la légitimité du prêt à intérêt ; et l’ironie piquante qu’il emploie contre les subtilités des scolastiques et des légistes, repoussant d’un commun accord un contrat amené par la civilisation et nécessaire à son progrès, rappelle cette gaieté, si forte de raison, avec laquelle Pascal combattait les jésuites[1].

Le Mémoire sur les mines, qu’il faut distinguer même parmi les meilleurs écrits de Turgot, offre cette particularité remarquable, que l’illustre administrateur y professe, sur la législation de la matière, et sur le droit de propriété en général, des idées que Napoléon est venu reproduire, au sein du Conseil d’État, dans la longue et célèbre discussion de la loi du 21 avril 1810[2].

Le 10 mai 1774 vit finir le règne honteux de Louis XV. Avec Louis XVI, monta sur le trône le vieux comte de Maurepas, rusé courtisan qu’une épigramme décochée contre madame de Pompadour tenait depuis vingt-cinq ans dans l’exil ; et de ce jour la monarchie féodale, frappée au cœur par Richelieu, entra dans la dernière période de sa décadence. Alors même que le nouveau roi n’eût pas été imbu de principes tout différents de ceux de son aïeul, la recomposition

    autant de commentaires du Traité de la formation et de la distribution des richesses.

  1. On peut se faire une idée de la déraison savante des scolastiques et des légistes, dans le Traité de l’usure, de Pothier. (Voyez les Œuvres de ce jurisconsulte, tome VI, page 161, édition de 1819.)
  2. Voyez Mémoire sur les mines et carrières, et les notes que nous y avons jointes, tome II, pages 150 et suivantes.