Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/723

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nements, aux distributions et aux travaux publics ; c’est un objet de 300,000 l.[1], qu’on doit sans doute soustraire des 3,600,000 1. sortis de la province pour l’achat des grains. Nous réduirons donc le déficit qui a eu lieu à 3,300,000 liv., et nous nous renfermerons dans ce qui regarde les impositions.

La généralité avait obtenu, en 1770, 30,000 francs de moins sur le moins-imposé qu’en 1769, c’est-à-dire, 250,000 livres, au lieu de 280,000. Quand la misère générale se fut développée au point qu’il fallut pourvoira la subsistance gratuite de près du quart des habitants de la province, nous prîmes la liberté de représenter à M. le contrôleur-général qu’il n’était pas possible que des malheureux qui n’avaient pas le nécessaire physique pour subsister, et qui ne vivaient que d’aumônes, payassent au roi aucune imposition, et nous le priâmes d’obtenir des bontés du roi une augmentation de moins-imposé suffisante pour décharger entièrement d’imposition, non-seulement les simples journaliers, mais encore une foule de petits propriétaires dont les héritages ne peuvent suffire à leur subsistance, et qu’on avait été obligé de comprendre dans les états des pauvres à la charge des paroisses. M. le contrôleur-général a eu la bonté d’accorder en conséquence un supplément de moins-imposé de 200,000 livres[2]. Mais cette somme n’a pas suffi pour remplir l’objet auquel elle était destinée. Il a fallu se borner à décharger de l’imposition les simples journaliers ; et l’on n’a pu supprimer la taxe des petits propriétaires non moins pauvres que les journaliers. Nous avons fait relever le tableau de ces cotes qui subsistent encore : quoique ceux qu’elles concernent aient été compris dans l’état des charités de leur paroisse, la totalité monte à environ 90,000 livres. Voilà donc 90,000 livres imposées sur des personnes qui n’ont pas eu de quoi se nourrir. Comment peut-on espérer qu’ils les payent ? Est-il possible que les collecteurs en fassent l’avance ? Non, sans doute ; voilà donc une non-valeur inévitable.

D’après ce tableau douloureux des maux qu’a déjà essuyés la pro-

  1. Voyez le Compte-rendu des opérations de la disette.
  2. Ainsi le gouvernement, sollicité par M. Turgot, secourut la province de 750,000 livres ; savoir, 450,000 en moins-imposé, et 100,000 écus en argent.

    En outre, tous les gens riches ou aisés se cotisèrent. M. Turgot donna tout ce qu’il avait pu économiser en plusieurs années, et emprunta plus de 20,000 francs sur ses biens-fonds pour les consacrer à de nouvelles œuvres de bienfaisance. (Note de Dupont de Nemours.)