Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/748

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nution sensible dans la consommation de Paris, qui fera nécessairement tomber le prix des bestiaux gras, occasionneront une double perte aux propriétaires. C’est encore un motif qui doit faire sentir de plus en plus la nécessité de soulager efficacement la province.

Pour nous résumer, nous allons rappeler en peu de mots les différentes considérations que nous venons d’exposer dans notre Avis. Au motif de la surcharge ancienne et trop prouvée dont la province se plaint dans les temps les plus heureux, et qui l’a jetée forcément dans un retard habituel sur le payement de ses impositions, qui ne sont jamais payées qu’en trois ans, se joignent l’approche d’une disette en 1772, à la suite des trois disettes consécutives qui ont déjà épuisé toutes les ressources des peuples, disette qui doit être et plus cruelle et plus étendue que celle de 1771, puisque le vide des récoltes s’est fait sentir dans toute la généralité. L’état du canton de la montagne en particulier ne laisse envisager de ressources contre la famine absolue que dans la bienfaisance de Sa Majesté.

Un vide de 4 millions sur la masse d’argent qui circulait dans la province, et qui en est sorti pour payer les grains qu’elle a été forcée de tirer d’ailleurs, vide qu’aucun commerce n’a pu remplacer, et que la nécessité de tirer encore des grains des autres provinces et de l’étranger augmentera nécessairement.

Une masse d’arrérages sur le recouvrement des impositions de près de 2,500,000 livres, c’est-à-dire des cinq huitièmes de la totalité des impositions de la province, arrérages dont plus de moitié se sont accumulés dans l’espace de vingt et un mois par l’effet nécessaire des deux dernières disettes, qui ont ainsi doublé le mal qu’avaient fait à cet égard huit années d’une guerre ruineuse.

Enfin, la diminution des ressources ordinaires de la province par l’affaiblissement du commerce des bestiaux, résultant de la perte totale des foins et de la diminution dans la consommation de Paris. Sans doute des motifs aussi forts, aussi touchants, ne sollicitent pas moins la justice et même la sagesse du roi que sa bonté paternelle, en faveur d’une partie de ses peuples accablée d’une [suite de fléaux successifs qui l’ont réduite à l’état le plus déplorable. Il nous suffit d’en avoir mis le tableau sous ses yeux. Nous n’osons nous fixer à aucune demande. L’année dernière, nous avions éprouvé la même crainte ; nous avions exposé les faits, calculé les besoins de la province, en observant que nos calculs n’étaient point des demandes.