Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/84

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que de municipalités, destinées à relier entre elles les divisions secondaires du territoire, et à rattacher les plus importantes, c’est-à-dire les provinces, à l’État. Dans ce plan, les assemblées de paroisses ou de communes étaient nommées par les propriétaires seuls. Les assemblées d’élections ou d’arrondissements se composaient de délégués des premières ; les assemblées de provinces, de délégués des assemblées d’élections ; et la grande municipalité du royaume, de délégués des assemblées provinciales. Toutes les municipalités secondaires n’auraient eu d’autre attribution que celle d’élire des officiers pour la gestion de leurs affaires locales, et de répartir les contingents de l’impôt dans l’étendue de leurs circonscriptions respectives. La grande municipalité devait opérer cette même répartition entre les provinces, arrêter les dépenses à faire pour les grands travaux publics, et éclairer le gouvernement sur les besoins généraux de l’État, mais n’était investie d’aucune autorité législative. Turgot n’en espérait pas moins arriver graduellement, par le moyen de ces assemblées, à la formation d’un cadastre général, au remplacement de toutes les contributions indirectes par un impôt unique sur les terres[1], à la suppression des droits féodaux et à celle des doua-

  1. Une inexactitude grave s’est glissée dans les belles pages consacrées à Turgot par M. Blanqui, dans son Histoire de l’économie politique et l’admiration, si noblement exprimée, de l’auteur pour ce grand homme, nous pardonnera sans doute de la signaler ici.

    « Ce fut un grand malheur pour la science, dit son historien, que Turgot ait mis tant de précipitation à appliquer une théorie (celle de l’impôt unique sur les terres) aussi hasardeuse et aussi radicalement fausse, comme si l’exactitude en eût été démontrée avec une rigueur mathématique. »

    Nous ne passons pas condamnation sur la fausseté de la théorie, mais ce n’est pas de ce point qu’il s’agit en ce moment. La question se réduit à savoir si cette théorie, fausse ou vraie, a été appliquée par Turgot. Or, la négative est un fait incontestable ; et, pour le vérifier, il suffit de consulter les actes officiels de Turgot. Sans doute, comme nous le disons nous-même, le ministre avait le projet d’appliquer cette théorie, de reporter l’impôt sur les propriétaires exclusivement ; mais la pensée de la réalisation immédiate d’un tel projet n’entra jamais dans son esprit. À cet égard, il y a une raison qui dispense d’en énoncer d’autres, c’est qu’il fallait d’abord cadastrer le territoire, et que cette opération, que Turgot voulait faire par le moyen de sa hiérarchie de municipalités, comportait à elle seule de longs délais. En somme, Turgot n’a pas révolutionné, avec la précipitation d’un sectaire, le système financier de son époque, et il n’y a effectué que des améliorations