Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’importance des premiers principes qu’ils auraient reçus, montreraient dans leur travail un caractère plus mâle et plus suivi. Le goût même y gagnerait : il deviendrait plus sévère et plus élevé, mais surtout plus tourné aux choses honnêtes. » Pour démontrer l’impuissance de l’instruction religieuse, toute bornée aux choses du ciel, à manifester aux individus leurs obligations envers la société et le pouvoir qui la protège, les devoirs résultant de ces obligations, ainsi que l’intérêt qu’ils ont à remplir ces devoirs en vue du bien public et du leur propre, il ajoutait ces mots : « La preuve que cette instruction ne suffit pas pour la morale à observer entre les citoyens, et surtout entre les différentes associations de citoyens, est dans la multitude de questions qui s’élèvent tous les jours, où Votre Majesté voit une partie de ses sujets demander à vexer l’autre par des privilèges exclusifs ; de sorte que votre Conseil est forcé de réprimer ces demandes, de proscrire comme injustes les prétextes dont elles se colorent. »

Sans nuire à l’enseignement religieux, le Conseil de l’instruction nationale était donc destiné à remplir ses lacunes, par la direction exclusive et uniforme de l’éducation publique au point de vue temporel.

Pour bien juger, non de la valeur de cette dernière réforme, dont la sagesse apparaîtra certainement incontestable, mais de celle du système politique de Turgot, on doit ne pas isoler ce système de l’époque dans laquelle il avait été conçu. Il faut considérer qu’il anéantissait la division par ordres, qu’aurait maintenue la convocation des États-Généraux que réclamaient alors plusieurs écrivains, et dont le nom avait même été prononcé par la Cour des aides. Il faut considérer que, s’il accordait des droits politiques aux propriétaires seuls, le ministre se proposait de faire retomber plus tard sur ces mêmes propriétaires tout le fardeau des charges publiques. Il faut considérer, enfin, qu’en dehors de la combinaison politique nouvelle, il ne restait que les États-Généraux, le système représentatif de l’Angleterre et la démocratie pure, et qu’il y avait par conséquent nécessité de choisir alors entre une forme gothique, dont l’his-