Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/95

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d’étudier tous les projets tendant à en améliorer le système ; et l’on établit, pour former des ingénieurs, une chaire d’hydrodynamique, qu’occupa le second de ces géomètres. Le perfectionnement des voies de transport, tant par terre que par eau, alors dans une situation déplorable, fut opéré par le retrait de tous les privilèges concédés soit au fermier-général des postes, soit à divers sous-entrepreneurs de voitures publiques. Le ministre résilia les baux de tous ces exploitants, chargea une commission de liquider l’indemnité qui pouvait leur être due, et le monopole de la circulation des personnes et des choses passa alors de leurs mains dans celles de l’État[1].

Cette mesure, qui n’avait qu’un caractère provisoire, car Turgot réservait toujours les principes, quand les circonstances le forçaient d’y déroger dans l’application, produisit tout à la fois une amélioration importante dans le service et une bonification annuelle de 1,500,000 livres dans le Trésor. Il n’en était pas, d’ailleurs, de plus pressante : jusqu’à cette époque il n’existait dans le royaume que deux diligences, celles de Lyon et de Lille, lourdes machines que leur construction et les règlements sur la matière astreignaient à ne pas excéder la vitesse de dix à onze lieues par jour, prescription à laquelle les entrepreneurs ne manquaient pas de se conformer avec exactitude. L’administration royale des messageries pourvut toutes les grandes routes de voitures nouvelles, plus légères et plus commodes, et ce sont ces voitures, menées en poste, que le public baptisa du nom de Turgotines[2].

  1. Arr. du Cons, des 7 août et 11 décembre 1775, ibid. p. 424 et 428.
  2. Cette innovation, si favorable à l’intérêt public, contraria vivement le clergé, par des raisons que nous laisserons exposer à l’un de ses membres : « Les entrepreneurs des anciens établissements, dit l’abbé Proyart, étaient tenus de procurer aux voyageurs la faculté d’entendre la messe les jours où il est de précepte d’y assister : la réforme des voitures entraîna celle des chapelains ; et les voyageurs en Turgotines apprirent à se passer de messe, comme s’en passait Turgot. » (Louis XFI et ses vertus aux prises avec la perversité de son siècle.)

    Les Turgotines provoquèrent encore cette colérique épigramme :

    Ministre ivre d’orgueil, tranchant du souverain,
    Toi qui, sans l’émouvoir, fais tant de misérables,
    Puisse ta poste absurde aller un si grand train,
    Qu’elle te mène à tous les diables !