Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/106

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raient faire cuire leur pain ; et il fut convenu, entre le lieutenant de police et moi, que ceux qui feraient construire ces fours auraient la liberté de vendre du pain au public. Ce moyen de réprimer, par la concurrence, la cupidité des boulangers, m’a parfaitement réussi, et il est certain que le peuple a eu en général de meilleur pain et à meilleur marché qu’il ne l’aurait eu sans cette concurrence. Le nommé Touvenin s’est prêté avec beaucoup de zèle à mes vues ; il a fait construire des fours, monté une boulangerie, et a mis en achats de grains une grande partie des fonds qu’il employait dans son commerce de vins. Il a fourni de très-bon pain et à plus bas prix que les boulangers de la ville. Il aurait dû naturellement gagner dans ce commerce ; mais la crainte de ne pouvoir suffire à la consommation, et l’idée où l’on était dans l’automne de 1770, que les grains augmenteraient beaucoup plus qu’ils ne l’ont fait, l’avaient engagé à se charger d’une quantité considérable de grains, sur lesquels il a perdu par la diminution survenue dans les prix. J’ai vérifié que sa perte va aux environs de 4,000 livres. S’il s’agissait d’un négociant qui se fût livré à ce commerce d’après ses propres spéculations, je le plaindrais, mais je n’imaginerais pas de l’indemniser. Je dois penser autrement, puisque c’est uniquement à mon instigation, et pour rendre service au public, que Touvenin a quitté un commerce dans lequel il gagnait, pour verser ses fonds dans une opération où une grande partie de sa fortune se trouve compromise.

Je pense, monsieur, qu’il serait injuste de lui laisser supporter la totalité d’une perte que je lui ai en quelque sorte occasionnée, et qu’il n’aurait point éprouvée s’il n’avait pas cherché à entrer dans mes vues. Je crois donc devoir vous proposer de l’indemniser en partie par une gratification de 3,000 livres, qui, jointe aux 8,000 livres que je vous ai déjà proposées en faveur des sieurs Jauge et Malepeyre, fait monter la totalité des indemnités à 11,000 livres.

Ces 11,000 livres, ajoutées aux 15,474 livres 4 sous 4 deniers de commission ou gratification en faveur des négociants chargés à Limoges des opérations de l’approvisionnement, et aux 8,307 livres 15 sous 10 deniers d’intérêt dus au sieur Ardent pour ses avances, font en tout une somme de 34,782 livres 2 deniers. Si, comme je l’imagine, vous adoptez à cet égard mes propositions, il faudra ajouter cette somme à la dépense totale de l’opération, et par conséquent