Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/173

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par la moindre consommation des fruits de la terre, d’où résulte la diminution de leur revenu ; on en a conclu avec raison que l’industrie devait être entièrement affranchie de toute imposition. Sans entrer dans des discussions trop étendues, et qui seraient ici trop déplacées, il est aisé de sentir que toute imposition sur l’industrie est une diminution de profit pour l’homme industrieux : or, toute diminution de profit tend à diminuer les motifs du travail et par conséquent le travail même. Si donc le travail, envisagé dans toutes ses branches, est l’unique cause qui sollicite la production de toute richesse, il s’ensuit qu’un impôt qui entame les profits de celui qui travaille, et qui ne tombe pas uniquement sur le produit net du propriétaire, tend à la diminution des richesses[1].

Appliquons cette théorie aux produits des mines. D’après les principes que j’ai établis, l’entrepreneur n’a d’autre propriété que celle de ses ouvrages et des fruits de son travail ; il ne peut donc avoir, à proprement parler, de produit net. Il est vrai que, lorsque la mine est riche, il retire un profit au delà du capital et de l’intérêt de ses avances ; mais ce profit n’est pas d’une autre nature que les profits de tous les autres genres d’industrie. Un commerçant en fait quelquefois d’aussi considérables sur un voyage heureux, mais ce profit est toujours la récompense de son travail et du risque qu’il a couru de perdre ; il n’a rien de commun avec le revenu qu’un propriétaire retire de sa terre sans risque et sans travail.

Si quelqu’un retirait des mines un produit net, ce serait le propriétaire de la surface, qui vend à l’entrepreneur la permission d’ouvrir dans son héritage ; mais le prix de cette permission est ordinairement un bien petit objet, et presque toujours il se réduit à l’indemnité des dégâts qu’entraînent ces sortes d’ouvertures. D’ailleurs, ce faible profit, accidentel et purement passager, ne peut jamais être considéré comme un revenu.

Quant à l’entrepreneur, ses profits sont dans la classe de tous les profits des autres genres d’industrie : quelque grands qu’ils soient, il s’en faut bien qu’on doive les lui envier ; il les achète par des risques au moins proportionnés. Obligé d’avancer des capitaux immenses lorsqu’il commence son exploitation, il n’est jamais certain de les retirer ; il court le hasard de se ruiner ou de s’enrichir.

  1. Voyez, au tome I, Mémoires I à VI, pages 392 et suivantes, une exposition spéciale, et plus complète, de cette théorie de l’impôt. (E. D.)