Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/185

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par la déclaration du 25 mai 1763, ont été renouvelés par l’arrêt du 23 décembre 1770, elle a reconnu que ces règlements renferment des dispositions directement contraires au but qu’on aurait dû se proposer ;

Que l’obligation, imposée à ceux qui veulent entreprendre le commerce des grains, de faire inscrire sur les registres de la police leurs noms, surnoms, qualités et demeures, le lieu de leurs magasins et les actes relatifs à leurs entreprises, flétrit et décourage le commerce par la défiance qu’une telle précaution suppose de la part du gouvernement ; par l’appui qu’elle donne aux soupçons injustes du peuple ; surtout, parce qu’elle tend à mettre continuellement la matière de ce commerce, et par conséquent la fortune de ceux qui s’y livrent, sous la main d’une autorité qui semble s’être réservé le droit de les ruiner et de les déshonorer arbitrairement ;

Que ces formalités avilissantes écartent nécessairement de ce commerce tous ceux d’entre les négociants qui, par leur fortune, par l’étendue de leurs combinaisons, par la multiplicité de leurs correspondances, par leurs lumières et l’honnêteté de leur caractère, seraient les seuls propres à procurer une véritable abondance ;

Que la défense de vendre ailleurs que dans les marchés surcharge, sans aucune utilité, les achats et les ventes des frais de voiture au marché, des droits de hallage, magasinage et autres également nuisibles au laboureur qui produit, et au peuple qui consomme ;

Que cette défense, en forçant les vendeurs et les acheteurs à choisir pour leurs opérations les jours et les heures des marchés, peut les rendre tardives, au grand préjudice de ceux qui attendent, avec toute l’impatience du besoin, qu’on leur porte la denrée ;

Qu’enfin, n’étant pas possible de faire dans les marchés aucun achat considérable sans y faire hausser extraordinairement les prix, et sans y produire un vide subit qui, répandant l’alarme, soulève les esprits du peuple ; défendre d’acheter hors des marchés, c’est mettre tout négociant dans l’impossibilité d’acheter une quantité de grains suffisante pour secourir d’une manière efficace les provinces qui sont dans le besoin ; d’où il résulte que cette défense équivaut à une interdiction absolue du transport et de la circulation des grains d’une province à l’autre ;