Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/226

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de conserver des grains et farines dans son intérieur, et d’en avoir dans ses environs.

La même ordonnance de 1415 impose aux marchands qui apportent des grains à Paris l’obligation de les vendre avant le troisième marché, à peine d’être forcés de les vendre à un prix inférieur à celui des marchés précédents ; et cependant l’arrêt du 19 août 1661 et l’ordonnance de police du 31 mars 1635, après avoir interdite tous marchands la faculté de faire aucun achat dans Paris, défend même à tout boulanger d’acheter plus de deux muids de blés par marché.

Ainsi la même police, par des dispositions contradictoires, force de vendre et défend d’acheter.

En s’y conformant exactement, la capitale ne pourrait jamais avoir de provisions que pour onze jours de consommation ; car l’intervalle entre trois marchés n’étant que de onze jours, d’un côté les marchands assurés de n’avoir plus la disposition libre de leur denrée après cet intervalle, et d’être peut-être forcés de la vendre à perte, ne porteraient jamais à Paris que les grains nécessaires à la subsistance de ces onze jours ; tandis que d’un autre côté, cette ville ne pourrait avoir aucunes provisions dans des dépôts particuliers, puisqu’ils y sont repoussés ; ni même chez les boulangers, puisqu’il leur est défendu d’acheter plus de deux muids de blé.

Si cette police était observée, toutes les fois que les hautes ou les basses eaux, les gelées et les neiges interrompraient la navigation ou les routes pendant plus de onze jours, les habitants de Paris manqueraient entièrement de subsistance dans les années les plus fertiles, et au milieu de l’abondance dont jouirait le reste du royaume.

Un arrêt du Parlement, du 23 août 1565, défend aux marchands de grains, sous peine de punition corporelle, de transporter, soit par terre ou par eau, en montant ou en descendant, hors de la ville, les grains qu’ils y ont fait entrer : deux ordonnances de police, de 1622 et 1632, ajoutent à la rigueur de l’arrêt, en défendant d’acheter et de faire sortir aucuns grains de la distance de dix lieues de Paris, à peine de confiscation et d’amende arbitraires.

Ces dispositions tendent à bannir le commerce des grains de la ville de Paris, où le négociant est privé de la liberté et presque de