Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

buée, quoique, dans le fait, cet art ne soit du ressort d’aucune corporation exclusivement ; que pour débarrasser, même aplanir, en faveur de ceux qui désireront s’en occuper, la voie de la perfection, dans cet art, des obstacles qui restreignent l’industrie et refroidissent l’émulation, il est à désirer que la main-d’œuvre totale du poli de l’acier puisse être réunie et rendue commune à tous les artistes et ouvriers qui, par état ou profession, prétendent au droit d’une portion de cette liberté, pour qu’ils puissent, si bon leur semble, entreprendre respectivement, non-seulement les ouvrages en ce genre qu’ils ont adoptés, mais encore ceux qui se fabriquent par les membres des différentes autres communautés, les façonner, varier, vendre et débiter ainsi que bon leur semblera, sans être assujettis à des formes de réception à la maîtrise, d’autant plus gênantes et dispendieuses, qu’en cumulant différentes classes de ces ouvrages, il en résulterait la nécessité, par ceux qui s’en occupent, de se faire agréger dans plusieurs communautés pour user de toute leur industrie ; que dans cette espèce, une liberté illimitée ne peut tendre qu’à perfectionner en France un art que les ouvriers d’un royaume étranger n’ont exercé jusqu’ici avec supériorité que par la substitution des encouragements aux gênes toujours destructives ; que la concurrence multipliera la main-d’œuvre, produira le meilleur marché de la marchandise, procurera facilement au consommateur les choses qu’il tirait auparavant de l’étranger, et donnera l’essor aux talents de nombre d’ouvriers déjà connus par des essais supérieurement exécutés. C’est sur quoi Sa Majesté a jugé à propos de faire connaître ses intentions. Vu l’avis des députés du commerce ; ouï le rapport du sieur Turgot, etc., le roi étant en son Conseil, a ordonné et ordonne :

Que l’art de polir les ouvrages d’acier en France, de telles espèces qu’ils soient, sera et demeurera libre à tous artistes et ouvriers indistinctement qui, par état ou profession, ont le droit de travailler le fer et l’acier ; leur permet de vendre et débiter les ouvrages qu’ils auront polis ou façonnés, sans qu’ils puissent, sous quelque prétexte que ce soit, être troublés par aucuns ouvriers ou marchands, ni pour raison de ce assujettis à aucunes formalités. Ordonne pareillement que le présent arrêt sera exécuté nonobstant tous empêchements quelconques, dont, si aucuns interviennent, Sa Majesté se réserve la connaissance et à son Conseil ; et icelle interdisant à ses cours et autres juges, leur fait défense d’en connaître, à peine de nullité de leurs jugements[1].

  1. Cette clause était nécessaire, parce que tous les parlements de France étaient