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ment de continuer celles des impositions qu’il n’avait pu ôter, mais encore l’obliger à augmenter les subsides.

Les dissipations énormes qui suivirent la perte de Henri IV, les troubles de la minorité de Louis XIII, les agitations dans lesquelles son règne se passa, les guerres étrangères et intestines qu’il eut presque toujours à soutenir, ne lui permirent pas de mettre dans ses revenus l’ordre qui aurait été à désirer, ni à plus forte raison de s’occuper de la confection des grandes routes.

La minorité de Louis XIV fut encore plus orageuse, la déprédation plus terrible que jamais, et il fut impossible de rien faire de bien jusqu’au moment où ce monarque, ayant pris tout à fait les rênes du gouvernement, préposa M. Colbert à l’administration des finances.

Alors le royaume sembla prendre un nouvel être. Ce ministre créa des brandies de commerce qui avaient été inconnues jusqu’à son temps ; il établit des manufactures dans l’intérieur du royaume ; les forces maritimes qu’il procura à son maître protégèrent et étendirent le commerce.

Sous cette administration, le royaume de France acquit de nouvelles forces. Le ministre habile qui veillait sur tout, et à la vigilance duquel rien n’échappait, fit valoir toutes les ressources dont il était susceptible ; il affermit tellement la constitution de l’État, que les malheurs mêmes qui suivirent les victoires de Louis XIV n’ont pu l’anéantir, malgré la multiplicité des charges que les différentes guerres qu’il eut à soutenir le forcèrent d’imposer à ses peuples. On reconnut plus que jamais l’utilité et même la nécessité des grandes routes ; mais les travaux ne furent pas poussés aussi vivement qu’il eût été à souhaiter, faute de fonds suffisants.

La minorité de Louis XV a été assez tranquille, et malgré les guerres que ce monarque eut dans la suite à soutenir, les revenus de l’État ont été encore augmentés considérablement. Le commerce a souffert quelques altérations ; mais il n’en a pas moins continué d’être fort étendu. Les manufactures se sont multipliées, et malgré l’insuffisance actuelle des revenus du roi, occasionnée par des emprunts immenses et par des emplois peut-être mal appliqués et mal réfléchis, l’on ne peut disconvenir que le royaume est riche et a encore de grandes ressources.

C’est, à la vérité, sous le règne de Louis XV que les travaux pour la confection des grandes routes ont été poussés avec la plus grande vigueur et se sont le plus perfectionnés. Je crois que l’on est redevable de cet avantage aux rares talents de M. Trudaine le père. C’est lui qui a réglé par une sage économie la meilleure destination des fonds prélevés dans toutes les généralités pour l’entretien des ponts et chaussés et des turcies ; c’est lui qui a formé un corps d’ingénieurs destinés à dresser les plans, à tracer les chemins, à veiller aux ouvrages ; qui a établi et excité entre eux une émulation salutaire, et qui leur a assuré un salaire honnête et même des récompenses et des retraites, lorsque l’âge et les infirmités ne leur permettent plus de travailler.

Mais comme les fonds destinés à la construction et à l’entretien des ponts et chaussées ne pouvaient être suffisants pour la confection des grandes routes, l’on a été forcé de recourir aux corvées et de faire faire ces travaux par ceux des gens de la campagne qui sont imposés à la taille.

Réponse de Turgot. — 1o Ce n’est pas M. Trudaine[1] qui a intro-

  1. Voyez, tome I. page 353, la note qui concerne cet habile administrateur.