Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/272

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gagé M. Orry à préférer la corvée à bras. J’ai bien peur qu’il n’y en ait eu une autre. On pouvait établir la corvée insensiblement, l’appesantir par degrés sur le peuple qui ne résiste pas, au lieu qu’il aurait fallu annoncer le projet d’une imposition, la faire enregistrer, et essuyer des murmures. Nous sommes aujourd’hui dans une position plus avantageuse, puisque la corvée étant tout établie, étant reconnue excessivement onéreuse et très-injuste, il faut bien la remplacer.

Suite des observations du garde des sceaux. — À l’égard de l’accélération de la confection des grandes routes, elle sera toujours moins prompte dans les provinces où la population est moins nombreuse. Une imposition modérée ne pourrait jamais y donner toute l’activité que l’on voudrait. Et une imposition trop forte serait aussi trop accablante pour les propriétaires.

Le nombre des ouvriers, même en les payant, sera toujours moins considérable dans les provinces moins peuplées, et par conséquent les travaux seront poussés avec moins de vigueur.

Réponse de Turgot. — Je n’ai parlé de l’accélération de la confection des grandes routes, dans le préambule, que pour prouver qu’on s’était fait illusion, en imaginant qu’on pourrait, par la méthode des corvées, faire tous les chemins à la fois ou du moins en très-peu d’années.

Suite des observations du garde des sceaux. — Il n’y a pas longtemps que les corvées ont été établies, et cependant il y a un grand nombre de routes faites en France.

Réponse de Turgot. — Il y a quarante ans que les corvées ont été généralement établies, et beaucoup plus longtemps qu’elles ont été mises en usage dans plusieurs provinces ; certainement les chemins ne sont pas avancés à proportion de cet espace de temps.

Suite des observations du garde des sceaux. — Il y a des provinces où ces travaux ont été poussés plus vivement que dans d’autres, sans doute à proportion de leur population et de leurs facultés. Est-on assuré que, par le moyen de l’imposition, les ouvrages seront faits plus promptement ?

Réponse de Turgot. — Je ne prétends point du tout que l’on fasse les chemins à prix d’argent aussi vite que l’on avait prétendu les faire par corvées ; mais je suis assuré qu’on les fera plus vite qu’on ne les faisait effectivement par cette méthode. J’en juge ainsi par ce que j’ai fait dans la généralité de Limoges. Certainement j’y ai fait