Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/278

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sera dépensée, ce qui certainement contribuera beaucoup à en alléger le poids pour les propriétaires.

Suite des observations du garde des sceaux. — J’ajouterai à ces observations que l’imposition pour les corvées pourra priver de la ressource des ateliers de charité. Il est à craindre qu’en effet les propriétaires, assujettis à payer un quart, un tiers ou une moitié en sus des vingtièmes de leurs revenus, ne se portent plus à faire des contributions volontaires.

Réponse de Turgot. — Les dons des seigneurs pour les ateliers de charité sont en général un si petit objet, qu’on pourrait se consoler de cette perte.

J’ajouterai, 1o que le plus grand nombre de ceux qui donnent sont gens qui sont fort au-dessus de l’espèce d’intérêt qui fera réclamer quelques individus de la noblesse contre l’imposition du remplacement des corvées ; 2o que presque tous ces dons ont pour objet d’engager à faire construire des chemins très-intéressants pour ceux qui donnent, et qui ne donnent ordinairement que le tiers, ou tout au plus la moitié de ce qu’on leur accorde sur les fonds fournis par le roi.

Suite des observations du garde des sceaux sur l’article I. — Cet article paraîtrait susceptible de quelque réforme dans le cas même où le projet d’édit serait adopté.

Le roi, déclarant qu’il ne sera plus exigé aucun travail gratuit ni forcé sous le nom de corvée, ni sous quelque autre dénomination que ce puisse être, se réserve néanmoins d’en exiger en temps de guerre, si la défense du pays le rendait nécessaire. — Cette réserve est fort sage.

Mais l’on ajoute que, même dans le cas de nécessité, le roi se réserve aussi de faire payer ceux que la nécessité des circonstances forcera d’enlever à leurs travaux.

Je ne serais pas d’avis de laisser cette dernière réserve ; elle semble contenir une promesse que le roi serait dans l’impossibilité de tenir.

Une guerre longue et malheureuse peut affaiblir l’État par des dépenses excessives, et ce ne peut être qu’une guerre de cette nature qui mettra le roi dans la nécessité d’exiger des corvées considérables dans les provinces de son royaume. Alors il pourrait se trouver forcé de les exiger gratuitement.

Si cela arrivait, les peuples pourraient donc murmurer de se voir forcés de travailler, tandis qu’on les priverait du salaire promis par une loi solennelle.

Ce n’est pas que je n’applaudisse fort à l’esprit d’équité qui engage à donner cette assurance de payement ; mais il me semble qu’il vaudrait mieux payer, si cela était possible, sans l’avoir promis, que de promettre une chose qu’il peut arriver qu’on ne tienne pas.

Réponse de Turgot. — Il ne me paraîtrait pas décent, dans un édit où le roi supprime les corvées pour les chemins, d’en annoncer d’au-