Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/290

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

généralités, pour connaître l’étendue et la valeur des fonds. Mais cette opération est encore bien éloignée d’être à sa perfection. Ainsi, jusqu’à ce qu’elle soit faite entièrement, l’on ne peut guère prendre pour tarif que la répartition actuelle des vingtièmes.

Réponse de Turgot. — Au moyen de ce que, dans la rédaction de l’article dont il s’agit, on a dit que la répartition serait faite au marc la livre des vingtièmes, je crois pouvoir me dispenser de suivre M. le garde des sceaux dans la discussion où il entre ici. — Voilà une règle fixe. Je sais bien que la répartition du vingtième a des vices sans nombre ; mais en la réformant, on réformera en même temps celle de la contribution pour les chemins.

Suite des observations du garde des sceaux. — Les lieux saints et les dîmes ecclésiastiques seront les seuls biens-fonds et les seuls droits réels qui seront exceptés de cette imposition.

Qu’entend-on par les lieux saints ? Cela se réduira sans doute à l’emplacement des églises et aux terrains des cimetières.

Les terres attachées aux fabriques et aux cures, les presbytères, les maisons religieuses et les lieux claustraux, le terrain des maisons abbatiales et priorales, les fonds appartenant aux évêques et aux bénéficiers, seront susceptibles de l’imposition.

Cette disposition excitera une réclamation générale de la part du clergé de France, et l’on ne pourra pas dire qu’elle soit mal fondée. Les privilèges du clergé ne sont pas moins respectables en France, eu égard à la constitution de la monarchie, que ceux de la noblesse, et ils tiennent de même au caractère de la nation[1].

Réponse de Turgot. — Le privilège du clergé est susceptible des mêmes discussions que celui de la noblesse, je ne le crois pas mieux fondé ; cependant comme, en retranchant les dîmes et les casuels, les biens ecclésiastiques ne forment pas un objet très-considérable, je ne m’éloignerai pas de remettre à un autre temps la discussion des principes, et de retrancher ici la disposition qui concerne le clergé : quoique la proposition en soit très-juste, il est certain qu’elle exciterait une vive réclamation ; et peut-être les opinions du roi et du ministère ne sont-elles point assez décidées, pour qu’il ne soit pas à propos d’éviter d’avoir deux querelles à la fois[2].

  1. Le clergé ne tenait pas un autre langage en 1749, quand M. de Machault voulut l’assujettir à la contribution du vingtième. — Voyez, tome I, pages 445 et 558. (E. D.)
  2. M. de Maurepas avait déclaré qu’il ne donnerait jamais son assentiment aux édits, si l’on persistait à comprendre les biens-fonds du clergé dans l’imposition pour les chemins. (Note de Dupont de Nemours.)