Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/293

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais, quelque spécieux que soit ce raisonnement, il pourra ne pas faire une grande impression.

le roi est si fort au-dessus de tous ses sujets, que les droits qu’il tient de sa naissance et de la majesté du trône ne peuvent avoir rien de commun avec les privilèges des particuliers, ni être mis en comparaison avec les droits et les prérogatives d’aucun des ordres de l’État.

D’ailleurs, une contribution semblable de la part du roi peut être considérée comme illusoire. Ce que Sa Majesté payera sur le revenu de ses domaines, pour sa contribution à l’imposition des corvées, en diminuera le produit. Il en résultera, dans cette portion du revenu, une insuffisance que le ministre sera forcé de remplacer par quelque augmentation, soit sur la taille, soit sur d’autres droits, et il n’y aura rien à gagner pour l’État : c’est à proprement parler donner d’une main et reprendre de l’autre.

      Réponse de Turgot. — Le principe, que les chemins doivent être faits aux dépens de ceux qui en profitent, conduit à imposer les terres du domaine comme les autres, puisqu’elles doivent aussi augmenter de valeur. D’ailleurs, il est convenable que le roi donne l’exemple à tous.

Je sais très-bien que ce sera le roi qui payera au roi dans un sens ; mais, puisque la contribution des chemins ne doit jamais être versée au Trésor royal, puisque les fonds ne cesseront pas d’appartenir aux provinces où ils seront levés et employés, c’est dans un sens à ces provinces que le roi payera.

Quant à la petite dépense qui en résultera sur les fonds des domaines, j’ose répondre à M. le garde des sceaux que ce n’est pas celle-là qui ruinera l’État.

Suite des observations du garde des sceaux. — La répartition sera faite dans la même forme que les autres impositions locales et territoriales.

Cette disposition demande une explication pour être bien entendue.

Il y a en France différentes administrations pour la taille et pour les vingtièmes.

Dans les provinces où il y a des élections, la répartition se fait ordinairement par le commissaire départi, assisté par les officiers de l’élection.

Dans celles qui sont abonnées, il me semble que la répartition se fait par l’intendant et par les communautés.

Dans les pays d’États, tout est réglé par les administrateurs des États.

Ainsi, dans toutes ces provinces, si l’on prend pour modèle la répartition des vingtièmes, l’imposition pour les corvées sera répartie par le commissaire départi ou par les administrateurs des États.

Mais quelle méthode suivra-t-on pour imposer les fonds qui jusqu’à présent n’ont été assujettis à aucune imposition locale ou territoriale, tels que les biens et les rentes des ecclésiastiques, et les domaines qui sont dans les mains de Sa Majesté ?

La répartition sur les domaines sera moins difficile, attendu que le gouvernement n’aura point de contradiction ; mais celle sur les biens ecclésias-