Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/307

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Cette contribution ayant pour objet une dépense utile à tous les propriétaires, nous voulons que tous les propriétaires, privilégiés et non privilégiés, y concourent, ainsi qu’il est d’usage pour toutes les charges locales ; et par cette raison, nous n’entendons pas même que les terres de notre domaine en soient exemptes, ni en nos mains, ni quand elles en seraient sorties, à quelque titre que ce soit.

Le même esprit de justice qui nous engage à supprimer la corvée, et à charger de la construction des chemins les propriétaires qui y ont intérêt, nous détermine à statuer sur l’indemnité légitimement due aux propriétaires d’héritages, qui sont privés d’une partie de leur propriété, soit par l’emplacement même des routes, soit par l’extraction des matériaux qui doivent y être employés. Si la nécessité du service public les oblige à céder leur propriété, il est juste qu’ils n’en souffrent aucun dommage, et qu’ils reçoivent le prix de la portion de cette propriété qu’ils sont obligés de céder.

À ces causes, etc., de l’avis de notre Conseil, etc., nous avons, par le présent édit perpétuel et irrévocable, dit, statué et ordonné, etc., ce qui suit :

Art. I. Il ne sera plus exigé de nos sujets aucun travail, ni gratuit ni forcé, sous le nom de corvée, ou sous quelque autre dénomination que ce puisse être, soit pour la construction des chemins, soit pour tout autre ouvrage public, si ce n’est dans le cas où la défense du pays, en temps de guerre, exigerait des travaux extraordinaires : auquel cas il y serait pourvu en vertu de nos ordres adressés aux gouverneurs, commandants ou autres administrateurs de nos provinces. Défendons, en toute autre circonstance, à tous ceux qui sont chargés de l’exécution de nos ordres, d’en commander ou d’en exiger, nous réservant de faire payer ceux que, dans ce cas, la nécessité des circonstances obligerait d’enlever à leurs travaux.

II. Les ouvrages qui étaient faits ci-devant par corvées, tels que les constructions et entretiens des routes, et autres ouvrages nécessaires pour la communication des provinces et des villes entre elles, le seront, à l’avenir, au moyen d’une contribution de tous les propriétaires de biens fonds ou de droits réels, sujets aux vingtièmes, sur lesquels la répartition en sera faite à proportion de leur contribution aux rôles de cette imposition. Voulons que les fonds et droits réels de notre domaine y contribuent dans la même proportion.

III. À l’égard des constructions de ponts et autres ouvrages d’art, il continuera d’y être pourvu sur les mêmes fonds qui y ont été destinés par le passé.

IV. Voulons que les propriétaires des héritages et des bâtiments qu’il sera nécessaire de traverser ou de démolir pour la construction des chemins, ainsi que de ceux qui seront dégradés pour l’extraction des matériaux, soient dédommagés de la valeur desdits héritages, bâtiments ou dégradations ; et sera le dédommagement payé sur les fonds provenant de la contribution ordonnée par l’article II ci-dessus.