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que l’arrêt, le 2 septembre 1747, sur la réclamation portée au Conseil par les États de Bigorre.

Les États de Béarn s’étant pourvus en opposition, en 1768, contre ce dernier arrêt, ils en furent déboutés, et l’arrêt qui cassait leur délibération fut confirmé. Mais, sans la réclamation de la province de Bigorre, les États d’une province particulière auraient établi, de leur seule autorité, une prohibition qui aurait pu avoir lieu longtemps, sans que le gouvernement y remédiât et en fût même informé.

Quoique cette prohibition ait cessé entre le Béarn et la Bigorre, celles qui ont lieu entre les différentes villes du Béarn n’en subsistent pas moins dans leur entier, quoiqu’en général elles ne soient pas établies sur d’autres titres que sur des délibérations des communautés elles-mêmes, homologuées par des arrêts du parlement.

Plusieurs villes du Dauphiné et de la Provence se sont arrogé le même droit d’exclure de leur territoire la consommation des vins prétendus étrangers, ou entièrement, ou jusqu’à une époque déterminée, ou seulement jusqu’à ce que le vin du territoire fût vendu.

Les habitants de la ville de Veyne, située en Dauphiné, se pourvurent en 1756 au Conseil, pour obtenir la confirmation de leurs privilèges, qui consistaient dans la prohibition, faite par délibération de la communauté, de laisser entrer aucuns vins étrangers, afin de favoriser la consommation des vins de leur territoire, qui n’étaient pas, disaient-ils, faciles à vendre, attendu leur mauvaise qualité. Ils représentaient que cette prohibition avait été confirmée par arrêt du parlement de Grenoble, du 27 juillet 1732 ; et que la faveur qu’ils réclamaient avait été accordée à la ville de Grenoble, à celle de Gap, et à plusieurs autres villes du Dauphiné.

Aucune ville n’a porté ce privilège à un plus grand excès, aucune ne l’a exercé avec plus de rigueur, que la ville de Marseille. De temps immémorial, lorsque cette ville jouissait d’une entière indépendance, elle avait interdit toute entrée aux vins étrangers. Lorsqu’elle se remit sous l’autorité des comtes de Provence, elle exigea d’eux, par des articles convenus en 1257, sous le nom de Chapitres de paix, qu’en aucun temps ces princes ne souffriraient qu’on portât dans cette ville du vin ou des raisins nés hors de son territoire, à l’exception du vin qui serait apporté pour être bu par le comte et la comtesse de Provence et leur maison, lorsqu’ils viendraient à Marseille et y demeureraient, de manière cependant que ce vin ne fût pas vendu.