Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/370

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poser que des droits modérés sur les marchandises fabriquées dans le royaume.

Ces avantages attribués aux droits de traite sont révoqués en doute par bien des gens. Ceux-ci soutiennent que l’idée de faire payer nos impôts aux étrangers est une chimère ; qu’ils achètent d’autant moins nos marchandises qu’elles sont plus chargées de droits, et que le prix qu’ils donnent ou veulent en donner, ne passant point en entier aux cultivateurs ou aux fabricants qui les vendent, est autant de retranché sur ce que ces cultivateurs ou ces fabricants retireraient de leurs denrées ou de leurs marchandises si leur débit était exempt de droits ; de sorte que ce ne sont point les étrangers, mais uniquement les nationaux qui acquittent ces droits de sortie. Ils ajoutent qu’il en est de même pour les droits d’entrée ; que, l’étranger ne livrant sa marchandise à aucune nation qu’au prix que lui en donnent les autres, le droit d’entrée reste nécessairement à la charge de la nation qui l’a établi ; et qu’en croyant encourager les manufactures par des droits diversement combinés sur les marchandises fabriquées et les denrées du crû, on ne favorise les manufacturiers qu’aux dépens des cultivateurs qu’on prive d’une partie de la valeur des matières premières qu’ils font produire à la terre, et auxquels on fait payer plus cher les marchandises ouvrées dont ils ont besoin ; qu’on favorise très-peu ces manufactures, parce qu’en mettant des entraves au commerce on nuit à leur débit ; que, si les droits sur les marchandises sont peu considérables, ils produisent peu et ne compensent pas, à beaucoup près, le tort que font au commerce les formalités gênantes que nécessite leur perception ; que, s’ils sont très-forts, la contrebande trouve moyen de les éluder, et ajoute à la surcharge de l’impôt tout le poids des désordres attachés à l’existence de la contrebande ; la perte, pour l’État, des hommes qui la font et de ceux qui l’empêchent, et qui sont également enlevés aux métiers honnêtes et utiles ; les combats, les crimes, la vie vagabonde que mènent les contrebandiers, et le malheur pour l’État d’avoir à punir un crime, excusable en lui-même, auquel ses lois seules ont donné l’existence. Les partisans de cette opinion disent encore que tous les prétendus avantages de ces combinaisons de droits en faveur du commerce national, contre le commerce étranger, sont illusoires ; que tous leurs désavantages sont réciproques et accrus les uns par les autres ; que les étrangers em-