Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/503

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cun de ses sujets la liberté de suivre et de professer la religion que sa conscience lui persuade être vraie. J’ajoute, Sire, que vos intérêts politiques sont sur ce point entièrement conformes à ce que vous prescrivent la religion et la justice. Ces trois points de vue formeront la division naturelle de ce mémoire.

J’examinerai d’abord les droits de la conscience d’après les principes de la religion. J’établirai ensuite ces droits d’après les principes du droit naturel. Je discuterai en troisième lieu la question de cette liberté de conscience dans ses rapports avec l’intérêt politique de l’État.

Après avoir ainsi traité la question en elle-même, je chercherai dans une quatrième partie les mesures que la prudence peut exiger, pour adapter à la variété des circonstances les principes reconnus vrais, afin de préparer et d’opérer sans trouble les changements que la justice et la sagesse même rendent indispensables.

Ire partie. Des droits de la conscience d’après les principes de la religion. Qu’est-ce que la religion, Sire ? C’est l’assemblage des devoirs de l’homme envers Dieu : devoirs de culte à rendre à cet Être suprême, devoirs de justice et de bienfaisance à l’égard des autres hommes ; devoirs, ou connus par les simples lumières de la raison qui composent ce qu’on appelle la religion naturelle, ou que la Divinité elle-même a enseignés aux hommes par une révélation surnaturelle, et qui forment la religion révélée.

Tous les hommes ne s’accordent point à reconnaître la révélation, et ceux qui en reconnaissent une ne s’accordent pas non plus sur celle qu’ils admettent.

Il est notoire qu’il y a sur la surface de la terre une foule de religions, dont les sectateurs croient également que la religion qu’ils professent est la seule qui soit l’ouvrage de la Divinité, et qui lui soit agréable.

Les principales religions, telles que le mahométisme et même le christianisme, sont divisées en une multitude de sectes dont chacune se croit exclusivement la vraie religion. Toutes ou presque toutes, en exigeant de l’homme certaines croyances et l’accomplissement de certains devoirs, ajoutent à cette obligation la sanction des peines ou des récompenses dans une vie à venir. Un grand nombre de religions enseignent que ces peines et ces récompenses sont éternelles. Telle est la doctrine de presque toutes les communions chrétiennes, et en particulier de l’Église catholique romaine, dont Votre Majesté professe la