Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/517

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Il veillerait à toute la police de l’éducation ; il y pourrait rendre utiles tous les corps littéraires. Leurs efforts à présent ne tendent qu’à former des savants, des gens d’esprit et de goût : ceux qui ne sauraient parvenir à ce terme restent abandonnés, et ne sont rien. Un nouveau système d’éducation, qui ne peut s’établir que par toute l’autorité de Votre Majesté, secondée d’un Conseil très-bien choisi, conduirait à former dans toutes les classée de la société des hommes vertueux et utiles, des âmes justes, des cœurs purs, des citoyens zélés. Ceux d’entre eux ensuite qui pourraient et voudraient se livrer spécialement aux sciences et aux lettres, détournés des choses frivoles par l’importance des premiers principes qu’ils auraient reçus, montreraient dans leur travail un caractère plus mâle et plus suivi. Le goût même y gagnerait, comme le ton national : il deviendrait plus sévère et plus élevé, mais surtout plus tourné aux choses honnêtes. Ce serait le fruit de l’uniformité des vues patriotiques que le Conseil de l’instruction ferait répandre dans tous les enseignements qu’on donnerait à la jeunesse.

Il n’y a présentement qu’une seule instruction qui ait quelque uniformité : c’est l’instruction religieuse. Encore, cette uniformité n’est-elle pas complète. Les livres classiques religieux varient d’un diocèse à l’autre ; le catéchisme de Paris n’est pas celui de Montpellier, ni l’un ni l’autre ne sont celui de Besançon. Cette diversité de livres classiques est impossible à éviter dans une instruction qui a plusieurs chefs indépendants les uns des autres. Celle que ferait donner votre Conseil de l’instruction n’aurait pas cet inconvénient. Elle serait d’autant plus nécessaire, que l’instruction religieuse est particulièrement bornée aux choses du ciel. La preuve qu’elle ne suffit pas pour la morale à observer entre les citoyens, et surtout entre les différentes associations de citoyens, est dans la multitude de questions qui s’élèvent tous les jours, où Votre Majesté voit une partie de ses sujets demander à vexer l’autre par des privilèges exclusifs ; de sorte que votre Conseil est forcé de réprimer ces demandes, de proscrire comme injustes les prétextes dont elles se colorent. — Votre royaume, sire, est de ce monde ; et c’est à la conduite que vos sujets y tiennent les uns envers les autres et envers l’État » que Votre Majesté est obligée de veiller pour l’acquit de sa conscience et pour l’intérêt de sa couronne. Sans mettre aucun obstacle (et bien au contraire) aux instructions dont l’objet s’élève plus haut, et qui ont déjà leurs règles et