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Résumé. — La longueur de ce Mémoire exige que j’en présente, en raccourci, les principaux résultats.

I. En parcourant, avec M. le comte de Vergennes, les différentes manières dont on peut supposer que se terminera la querelle de l’Angleterre avec ses colonies, il m’a paru que l’événement le plus désirable pour l’intérêt des deux couronnes serait que l’Angleterre surmontât la résistance de ses colonies, et les forçât à se soumettre à son joug, parce que, si les colonies n’étaient subjuguées que par la ruine de toutes leurs ressources, l’Angleterre perdrait l’avantage qu’elle en a retiré jusqu’ici, soit pendant la paix, par l’accroissement de son commerce, soit pendant la guerre, par l’usage qu’elle pouvait faire de leurs forces. Si au contraire les colonies, s’accommodant avec l’Angleterre, conservent leurs richesses et leur population, elles conserveront leur courage et le désir de l’indépendance, et forceront l’Angleterre d’employer une partie de ses forces à les empêcher de se soulever de nouveau.

La supposition de la séparation absolue des colonies et de la métropole me paraît infiniment probable. Il en résultera, lorsque l’indépendance des colonies sera entière et reconnue par les Anglais mêmes, une révolution totale dans les rapports de politique et de commerce entre l’Europe et l’Amérique, et je crois fermement que toutes les métropoles seront forcées d’abandonner tout empire sur leurs colonies, de leur laisser une entière liberté de commerce avec toutes les nations, de se contenter de partager avec les autres cette liberté, et de conserver avec leurs colonies les liens de l’amitié et de la fraternité. Si c’est un mal, je crois qu’il n’existe aucun moyen de l’empêcher ; que le seul parti à prendre sera de se soumettre à la nécessité absolue et de s’en consoler. J’ai développé quelques motifs de consolation tirés d’une appréciation de l’avantage des colonies pour les métropoles, un peu plus basse que celle qu’on adopte communément.

J’ai aussi observé que, dans ce cas, il y aurait un très-grand danger pour les puissances qui s’obstineraient à résister au cours des événements ; qu’après s’être ruinées par des efforts au-dessus de leurs moyens, elles verraient leurs colonies leur échapper également, et devenir leurs ennemies au lieu de rester leurs alliées.

J’ai appuyé en particulier sur l’importance dont il est que l’Espagne fixe dès à présent ses réflexions sur la possibilité de cet évé-