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naissent pas quittent leur patrie, passent les mers, s’exposent à mille dangers pour les délivrer. Les victimes mêmes de la justice des hommes trouvent encore des consolations dans le sein de la religion, et des ressources dans la piété des fidèles.

Temples élevés à Jésus-Christ dans la personne des pauvres, ouvrez-vous à nos yeux. Montrez-nous l’humanité dans tout l’excès de sa faiblesse et de sa misère, et la religion dans toute sa grandeur. Montrez-nous, autour de ces lits de souffrance et de larmes, des personnes délicates, élevées dans la pourpre, s’empressant, malgré l’horreur et le dégoût d’un si triste spectacle, à rendre aux malades les services les plus pénibles et les plus assidus.

Des incrédules vertueux ont été souvent les apôtres de la bienfaisance et de l’humanité, mais nous les voyons rarement dans ces asiles du malheur. La raison parle ; c’est la religion qui fait agir.

Ce n’est point aux Tites, aux Trajans, aux Antonins que la terre doit l’abolition des combats de gladiateurs, de ces jeux où le sang humain coulait au milieu des applaudissements populaires. C’est à Constantin, ou plu tôt c’est à Jésus-Christ ; c’est par les mains d’un prince à qui l’histoire reproche d’avoir été cruel, que la religion a répandu des bienfaits plus grands que n’a fait la bonté même des princes privés de ses lumières.

Partout où s’est étendu leur empire, les cirques, les amphithéâtres sont à la fois des monuments de leur goût, de leur puissance, de la grandeur et de l’inhumanité romaines.

Oh ! que j’aime bien mieux ces édifices gothiques destinés au pauvre et à l’orphelin ! Monuments respectables de la piété des princes chrétiens et de l’esprit de la religion, si votre architecture grossière blesse la délicatesse de nos yeux, vous serez toujours chers aux cœurs sensibles.

Que d’autres admirent dans cette retraite préparée à ceux qui, dans les combats, ont sacrifié pour l’État leur vie et leur santé, toutes les richesses des arts rassemblés, étalant aux yeux des nations la magnificence de Louis XIV, et portant notre gloire au niveau de celle des Crées et des Romains ; j’admirerai l’usage de ces arts que l’honneur sublime de servir au bonheur des hommes, élève encore plus haut qu’ils ne l’ont jamais été dans Home et dans Athènes.

Ainsi, partout où s’étend le christianisme, les monuments de son zèle pour le bonheur de l’humanité portent à la fois, dans tous les siècles, le témoignage de son utile et généreuse bienveillance. Ils s’élèvent de toutes parts ; peu à peu ils couvrent la surface de l’univers. Mais que dis-je ? l’univers lui-même, considéré sous le point de vue le plus vaste, n’est-il pas un monument de ses bienfaits ? Quel tableau nous présentent ses révolutions depuis l’établissement du christianisme ? Les passions couvrant, comme dans tous les temps, la terre de leurs ravages, et la religion au milieu d’elles, tantôt réprimant leur impétuosité, tantôt répandant ses secours et ses consolations où elles ont fait sentir leurs ravages.

O Amérique ! vastes contrées ! n’avez-vous été dévoilées à nos regards que pour être les tristes victimes de notre ambition et de notre avarice ? Quelles scènes d’horreurs et de cruautés nous ont fait connaître à vous ! Des nations entières disparaissent de la terre, ou englouties dans les mines, ou anéanties tantôt par la rigueur des supplices, tantôt par le supplice continué d’un esclavage plus dur que la mort, sous des maîtres qui dédaignent même d’en adoucir la rigueur pour en tirer plus longtemps le profit. Mais la religion ne