Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/697

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vernements à immoler toujours le bonheur des particuliers à de prétendus droits de la société. On oublie que la société est faite pour les particuliers ; qu’elle n’est instituée que pour protéger les droits de tous, en assurant l’accomplissement de tous les devoirs mutuels.

9o Je ne dispute pas à l’Église la juridiction sur la foi, les mœurs et la discipline, qu’elle exerçait sous les empereurs païens. Je ne disconviens pas que l’Église et l’État, dans le fait, ne se soient enchaînés l’un à l’autre par bien des nœuds ; mais je soutiens que ces nœuds sont abusifs et nuisibles à tous les deux dès qu’ils tendent à les faire empiéter l’un sur l’autre ; cela s’appelle s’embrasser pour s’étouffer. La suprématie des Anglais, le pouvoir temporel des papes, voilà les deux extrêmes de l’abus.

10o Le dogme de l’infaillibilité n’est dangereux qu’autant qu’on le suppose faux. — Mais il est certainement faux ou inapplicable quand l’exercice de l’infaillibilité est confié à ceux qui ne sont pas infaillibles, c’est-à-dire aux princes ou aux gouvernements ; car alors naissent de là deux conséquences nécessaires, l’intolérance et l’oppression du peuple par le clergé, et l’oppression du clergé par la cour.

11o Les guerres albigeoises et l’inquisition établies en Languedoc, la Saint-Barthélemi, la Ligue, la révocation de l’édit de Nantes, les vexations contre les jansénistes, voilà ce qu’a produit cet axiome : Une loi, une foi, un roi.

Je reconnais le bien que le christianisme a fait au monde ; mais le plus grand de ses bienfaits a été d’avoir éclairci et propagé la religion naturelle. D’ailleurs, le plus grand nombre des chrétiens soutiennent que le christianisme n’est pas le catholicisme ; et les plus éclairés, les meilleurs catholiques, conviennent qu’il est encore moins l’intolérance. Ils sont en cela d’accord avec toutes les autres sectes vraiment chrétiennes, car les signes caractéristiques du christianisme sont et doivent être la douceur et la charité.