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cien, et pique peu ma curiosité. Si l’auteur est celui des pensées sur l’Interprétation de la Nature, il peut être agréable par le style ; mais, si cet auteur est un certain Robinet, auteur d’un livre de la Nature, je le tiens d’avance pour lu.

Desmarets et Desnots vous font mille compliments ; la misère est toujours affreuse ici.

Adieu, mon cher Caillard.


Lettre III. — Au même. (À Limoges, le 22 juin 1770.)

Il y a bien longtemps, mon cher Caillard, que je n’ai eu de vos nouvelles. Vous ne m’avez pas même instruit de votre départ de Paris. J’aurais été bien aise d’apprendre par vous si vous avez réussi à fixer le sort de votre belle-sœur.

J’ai jusqu’ici attendu de jour en jour la réponse à l’abbé de L’Aage, mais j’en désespère à présent. On dit que Voltaire est uniquement occupé de son Encyclopédie, et qu’il ne parle ni n’écrit à personne. Quand il aura fini, il aura oublié l’abbé de L’Aage, et peut-être n’aura-t-il pas même daigné jeter les yeux sur sa traduction. Vous trouverez ci-joint une minute de lettre que je ne vois pas d’inconvénient à lui adresser, soit de Dijon, soit de Gênes, pour le dépayser encore mieux. Je suppose que vous avez pris des mesures sûres pour que sa réponse me parvienne en tout temps.

M. de Boisgelin est arrivé avant-hier aux Courières, où il a trouvé son frère et sa sœur. Ils me quittent tous lundi, et je sais que M. de Boisgelin vous a donné rendez-vous à Antibes. Vous imaginez bien qu’un de mes premiers soins a été de chercher dans sa conversation à juger comment vous êtes contents l’un de l’autre. Je vois en général qu’il est satisfait de votre honnêteté et de vos talents ; mais j’ai entrevu qu’il vous fait un reproche où malheureusement je vous ai reconnu : c’est la paresse et la lenteur dans l’expédition. Je vous reprochais la même chose. La perte de vos matinées, l’habitude de les passer en robe de chambre à faire des riens, le retard des lettres dont je vous chargeais. Ces défauts sont très-grands dans votre position ; je vous les ai reprochés plusieurs fois. Je les expliquais par le dégoût du genre de la besogne dont vous étiez chargé. À présent que vous n’avez que des occupations d’un genre beaucoup moins triste, et que vous en êtes seul chargé, vous devez sentir combien ces défauts deviendraient, à la longue, désagréables à M. de Boisgelin : le retard du service retomberait sur lui, et nécessairement il serait forcé de vous en savoir très-mauvais gré. Vous sentez qu’il n’y a que l’intérêt que je prends à vous qui me fait vous donner cet avis. M. de Boisgelin ne m’en a nullement parlé à ce dessein, et je vous prie de lui laisser ignorer que je vous en aie rien dit ; mais la chose est trop importante pour votre fortune et pour votre bonheur, pour que je n’insiste pas auprès de vous afin de vous engager à faire tous vos efforts pour vaincre cette malheureuse habitude de paresse.

Adieu, mon cher Caillard, je vous souhaite toute sorte de bonheur. Desmarets vous fait mille compliments, ainsi que M. Melon.

Minute de la lettre pseudonyme de Turgot à Voltaire, jointe à la précédente.

J’espérais, monsieur, en passant à Paris, à mon retour de Hollande, trouver, chez M. Caillard, votre réponse à la lettre que j’ai pris la liberté de vous écrire à la fin de février, en vous adressant quelques essais d’une traduction