Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


La lune alors, comme si c’eust esté pour le convier à demeurer davantage en ce lieu, sembla s’allumer d’une nouvelle clarté. Et parce qu’avant que de partir, il avoit mis son troupeau avec celuy de Diane, et qu’il s’asseuroit bien que sa courtoisie luy en feroit avoir le soin necessaire, il resolut de passer en ce lieu une partie de la nuict, suivant sa coustume. Car bien souvent se retirant de toute compagnie, pour le plaisir qu’il avoit d’entretenir ses nouvelles pensées, il ne se donnoit garde que, s’estant le soir esgaré dans quelque valon retiré, ou dans quelque bois solitaire, le jour le surprenoit avant que la volonté de dormir, rattachant ainsi le soir avec le matin, par ses longues et amoureuses pensées. Se laissant donc à ce coup emporter à ce mesme dessein, suivant sans plus le sentier que ses pieds rencontroient par hazard, il s’esloigna tellement de son chemin, qu’apres avoir formé mille chimeres, il se trouva enfin dans le milieu du bois, sans se recognoistre. Et quoy qu’à tous les pas il choppast presque contre quelque chose, si ne se pouvoit-il distraire de ses agreables pensées. Tout ce qu’il voyoit, et tout ce qui se presentoit devant luy, ne servoit qu’à l’entretenir en ceste imagination. Si, comme j’ay dit, il bronchoit contre quelque chose : Je trouve bien encores, disoit-il, plus de contrarietez à mes desirs. S’il oyoit trembler les feuilles