Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/195

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du defaut de mon amitié ? Est-ce, peut-estre, qu’elle ne soit pas assez belle, ou que les merites luy defaillent pour se faire aymer ? Voicy, respondit froidement Silvandre, un second mystere de ce dieu, qui n’est pas moindre que celuy que je viens de vous expliquer. Diane n’a nul defaut, ny de beauté, ny de merite, d’autant qu’en chose si parfaite qu’elle est, il n’y en peut avoir, non plus qu’en vostre volonté. Car il ne tient pas à vous que vous ne l’aimiez beaucoup, et que vostre amour n’esgale les perfections que vous remarquez en elle ; mais il vous est impossible, parce qu’elle ne vous aime pas, suivant cet oracle, dont je vous ay parlé. Jadis Venus, voyant que son fils demeuroit si petit, s’enquit des dieux, quel moyen il y avoit de la faire croistre : à quoy il luy fust respondu qu’elle luy fist un frere, et qu’il parviendroit incontinent à sa juste proportion, mais que tant qu’il seroit seul, il ne croistroit point. Et ne voyez-vous pas, Phillis, que ceste sentence est donnée contre vous, et en ma faveur ? car si vostre amour demeure petit et presque nain, c’est qu’il n’a point de frere. Que si au contraire le mien surpasse toutes les choses plus hautes, c’est que ceste belle Diane luy en a fait un qu’il aime, qu’il honore, voire puis-je dire, qu’il adore. – Et croyez-vous, repliqua Phillis, que vous soyez plus aimé d’elle que je n’en suis ? –