Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/20

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Et toutesfois quand il eust forcé de le cacher, il lui eut esté impossible de vivre. Et toutesfois quand il se rappelloit en soy-mesme, il cognoissoit bien qu’il avoit fait un changement fort desadventageux, se souvenant de quelle heure il estoit accompagné lors que, maistre absou de ses pensées, il disposoit tout seul de sa vie, et de ses desseins. Combien de fois voulut-il avec la raison défaire les premiers noeuds dont il se sentoit lier en ce nouveau servage ? Combien de fois, voyant que la raison y estoit inutile, volut-il les rompre avec la force d’une violente résolution ? Mais autant de fois qu’il s’y essaya, autant de fois recogneut-il que c’est en vain que l’homme s’efforce contre les ordonnances du Ciel et que celuy est le plus advisé qui sait mieux y ployer et conformer sa volonté.

Ces considerations estoietn cause que, quand il ne pouvoit estre aupres de sa Diane, comme le matin et le soir, il estoit bien ayse de se retirer de toute compagnie, tant parce qu’il jugeoit toute autre ennuyeuse, ne pouvant jouir de celle qu’il desiroit, que pour avoit plus de loisir de consulter en soy-mesme librement, et juger quelle estoit la volonté du Ciel, et par quelle voye il y pourroit mieux parvenir. Et combien qu’il recogneust plus d’impossibilité à la poursuite de son affection que d’apparence de pouvoir la continuer, que si ne pouvoit-il jamais prendre aucune conclusion qu’a l’avantage de son amour. Que s’il faisoit besoin de s’en retirer, ô que son coeur se faisoit