Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/280

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de peur qu’il ne veist le pourtrait qui y estoit, s’y opiniastroit d’avantage. Et en cette dispute il osta toute la glace, et ensemble le petit papier, et lors il vit que je luy avois dit vray. Encore qu’il eust bien desja creu à mes paroles, si est-ce que voyant mon pourtrait, il demeura si surpris qu’il ne sceut parler de quelque temps ; mais l’estonnement de Dorinde ne fut pas moindre.

Periandre qui sans parler regardoit quelquefois la peinture, et puis Dorinde, considerant l’estonnement de cette fille, eut opinion qu c’estoit pour mieux feindre, et parce transporté d’un puissant despit : Je diray par tout, luy dit-il, que vous estes nompareille, soit à bien aimer, soit à estre secrette, mais plus encores à sçavoir dissimuler. – Periandre, luy dit-elle, si j’estois la premiere qui eust esté trompée, j’aurois bien de la honte de le confesser. Mais croyez-en ce qu’il vous plaira, si vous feray-je tel serment que vous voudrez, que j’estois aussi ignorante de ce que je vois, que vous m’en voyez estonnée. – Les dieux ne punissent jamais, dit-il, les serments de ceux qui ayment ; c’est pourquoy je n’en veux point de vous que je sçay estre de ce nombre. Mais, d’autant que vous estes la premiere de qui l’humeur m’a deceu, je veux laisser la place à quelque autre, afin que pour le moins j’aye ce contentement de n’estre pas le dernier que vous tromperez,