Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/360

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que ce berger, tant aymé, non seulement de tous ses parens, mais de tout nostre hameau, n’ait receu ce pitoyable office que reçoivent les moins aymez. – C’est peut-estre, dit Tesandre, que les dieux l’ont ordonné de ceste sorte, afin qu’il n’abandonnast pas si tost ces lieux qu’il avoit tant aymez, et que recompensé de son affection il eust ce contentement de demeurer quelque temps prés de celle qu’il ayme.

-Toutesfois, dit Tircis, j’ay apris que, tout ainsi que nostre corps ne peust demeurer en l’air, en l’eau, ny dans le feu, sans une continuelle peine, parce qu’estant pensant, il faut qu’incessamment il se travaille, tant qu’il est en ces elements qui n’ont rien de solide, de mesme l’ame despouillée du corps, n’estant point en son propre element, tant qu’elle demeure entre nous, est en une continuelle peine, jusques à ce qu’elle soit entrée aux champs Elisiens, où elle trouve un autre air, une autre terre, une autre eau, et un autre feu, d’autant plus parfaits et convenables à sa nature, que ceux où nous sommes le sont d’avantage à nos corps lourds et grossiers. Ce que je sçay : parce que quand ma chere et tant aymée Cleon fut morte, je fus presque en resolution de ne luy donner point de sepulture, afin de retenir cette belle ame quelque temps aupres de moy ; mais nos druides me sortirent de cette erreur,