Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/500

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d’amour pour luy, mais ouy bien que je ressens les mesmes commencements que, si j’ay bonne memoire, je ressentois à la naissance de l’amitié de Filandre.

Et qu’est-ce, ma sœur, respon dit Astrée, qui vous plait le plus en luy ? – Premierement, dit Diane, je ne voy point qu’il ayt jamais rien aymé, et cela ne se peut pas attribuer à une stupidité d’entendement, veu qu’il monter bien le contraire par ses descours. Et puis il se sousmet, je ne sçay comment, et me donne une si absolue puissance sur sa volonté, qu’il ne dit jamais parolle qu’il ne craigne de m’offencer. Outre cela, c’est une discretion tousjours continuée que toute sa vie, et ne voyez rien en luy de trop ny de trop peu. Et en fin, et qui est veritablement la cause princepalle de mon amitié, c’est que je le juge homme de bien rond, et sans vice. – Je vous asseure, ma sœur, respondit Astrée, que je recognois les mesmes conditions en ce berger et que quant à moy je juge quw si le ciel vous destine à aymer quelque chose, vous etes heureuse si c’est ce berger. Mais si faut-il que vous y usiez de vostre prudence ordinaire, si vous n’en voulez avoir du desplaisir. – Je ne sçay, ma sœur, dit Diane pourquoy vous me tenez ce langage, car sçachez qu’encores que je l’ayme mieux qu’autre que j’aye veu depuis la perte de Filandre, ce n’est pas pour cela que je vueille qu’il le sçache, ny que j’aye intention