Page:Urfé - L’Astrée, Seconde partie, 1630.djvu/80

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dire cruel avec raison, n’ayant point eu de pitié de la miserable vie que ta malice m’a preparée), vien-çà donc, ingrat et cruel, qu’as-tu recognu en rnoy qui t’ait donné occasion de me traitter de ceste sorte ? Y avoit-il quelque ancienne inimitié entre nos Peres, que tu ayes voulu venger sur rnoy ? t’ay-je voulu faire mourir ? ay-je parlé contre toy ou contre tes amis ? ou bien t’ay-je manqué de parole, ou d’amitié ? ou si tu as recogneu en moy quelque deffaut qui t’aye convié à me quitter, ou ne juges-tu point maintenant que je ne sois assez belle, ou assez riche, ou assez avisée ? Mais quand ce seroit pour vanger ton pere, la vengeance que tu pouvois prendre sur une fille, est, ce me semble, bien indigne de Thamire. Que si je t’ay voulu faire mourir, pourquoy ne m’ostestu la vie tout à un coup, au lieu de me remettre entre les mains de cet ennemy avec lequel je remourray tous les moments ? Que si je n’ay pas assez de beauté ny de vertu pour t’arrester, et bien, Thamire, va à la bonne heure en chercher quelque autre, qui en ayt d’avantage. Mais, helas ! pourquoy ordonnes-tu que, pour penitence de la faute de la nature, je sois remise entre les mains de celuy que la nature mesme me fait abhorrer ? Laisse rnoy en la liberté que tu m’as trouvée, lors que par tes malices tu as commencé de m’abuser, et te contentes du regret qui